~ Le conflit Israël / Palestine ~ |
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Ecologie, urbanisme futuriste, climat et quelques photos insolites |
L'arme nucléaire et la première bombe anatomique |
La navrante ascension de l'intégrisme religieux | Retour à l'accueil | Israël, une histoire d'eau de pétrole et de gaz |
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Quelques pionniers explorateurs |
La Corrèze, d'hier à aujourd'hui |
Une hitoire d'eau |
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Henry Ford, Portrait en noir et blanc |
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Et des histoires de Trolls, d'Elfes et de coloquintes sur les pages Islande, Norvège, et Lybie. |
"Je ne me vois pas comme un pro-israélien ou un pro-palestinien, je suis un pro-être humain", déclare Arik Ascherman. Ce rabbin de 64 ans d'origine américaine, qui milite pour les droits humains, aussi bien des Palestiniens que des Juifs, a reçu en 2011 le prix Gandhi pour la paix.
Ce matin-là, il a été appelé au secours par un bédouin de Cisjordanie.Ce berger palestinien a dû abandonner sa maison pour la troisième fois. C'était le 13 octobre dernier, une semaine après l'attaque du Hamas contre Israël. "Un colon est arrivé ici, et il est entré dans nos maisons, raconte-t-il. Ils ont ouvert les frigos, ils parlaient aux femmes. Alors on leur a dit 'Qu'est-ce que vous faites la ? Dégagez ! Ils sont partis loin, là-bas. Ils se sont arrêtés à 150 mètres de la maison. Ils étaient à peu près 25, 30 personnes. Ils ont commencé par brûler la maison que tu vois là-bas, et à casser les fenêtres."
Pour le rabbin, de telles exactions ont un nom. Il n'hésite pas à employer le mot qui désigne "ce qu'ont vécu [s]es ancêtres, massacrés en Ukraine au XIXe siècle": "Il y a eu un pogrom ici."
Aujourd'hui, le village de Mohammed n'existe plus. Les 85 personnes qui vivaient ici ont pris la fuite. Elles campent désormais sous des tentes, à une dizaine de kilomètres de là. De l'habitation de tôle qu'il occupait avec sa famille depuis treize ans, ne restent que quelques pierres et une petite poupée, souvenir des jours heureux. Il est en train de reconstruire sa maison un peu plus loin, et compte sur la protection du rabbin en cas de nouvelle descente des colons.
Depuis le 7 octobre, ces attaques sont encore plus fréquentes qu'avant, affirme Mohammed. Selon les Nations unies, en Cisjordanie, plus de 600 personnes ont dû quitter leurs terres.
Les cibles seraient des religieux en habit, des pèlerins et des bâtiments chrétiens.
«Pourquoi certains juifs crachent-ils sur les gentils?» C'est le titre, volontairement provocateur, d'un colloque qui s'est tenu vendredi dernier dans la vieille ville de Jérusalem. Dans l'assistance il y a toute une panoplie de religieux chrétiens en tenue: évêques, prêtres, moines et soeurs. Beaucoup parmi eux ont déjà subi ce traitement, mais ils ne sont pas venus en parler. Sur l'estrade, les prises de parole sont assurées en hébreu par des Israéliens juifs: des universitaires qui souhaitent alerter l'opinion publique juive sur ce phénomène.
«Le nombre et la fréquence des juifs qui crachent sur les chrétiens ne cesse d'augmenter», affirme, en guise d'introduction, Yonatan Moss, professeur de religion comparée à l'université hébraïque de Jérusalem. Citations à l'appui, il affirme que cette pratique remonte au Moyen Âge et qu'à l'époque c'étaient les juifs qui en étaient les victimes et les chrétiens les auteurs.
Le FIGARO, juin 2023.la vie dans les camps palestiniens en Cisjordanie
Pour s'assurer un complément de revenu, montrer leur quotidien aux visiteurs ou profiter d'une ouverture au monde extérieur, des habitants des camps - notamment celui de Dheisheh, près de Bethléem - louent leur logement sur la plateforme Airbnb. Le quotidien israélien Ha'Aretz les a rencontrés.
Ahmad Nader Alfararja va toujours chercher à leur arrivée les touristes qui vont loger chez lui. Bien que le jeune Palestinien de 25 ans soit un hôte très hospitalier, c'est pour des raisons surtout pratiques qu'il rend ce genre de service. En effet, là où il habite, à Dheisheh (près de Bethléem), les rues n'ont pas de nom. "Les habitants s'y retrouvent grâce aux noms des familles qui y vivent ou à ceux des villages dont ils sont originaires avant d'avoir été déplacés lors de la guerre israélo-arabe de 1948", explique-t-il, avant d'ajouter après une courte pause : "Gérer des hébergements Airbnb dans un camp de réfugiés n'est pas facile." Ahmad fait partie de ces Palestiniens des camps de réfugiés de Cisjordanie qui sont de plus en plus nombreux à proposer des chambres sur le site de partage de logement, permettant aux touristes aventureux de vivre une expérience à nulle autre pareille en Terre sainte. "Mon but est de montrer aux étrangers comment nous vivons dans les camps de réfugiés palestiniens, pour qu'ils voient la réalité du conflit sous un angle radicalement différent", dit cet hébergeur à l'allure très décontractée. "J'ai d'abord loué un appartement séparé, mais maintenant nous accueillons les gens dans une chambre de notre maison familiale. Les invités apprécient davantage de séjourner chez nous et adorent la cuisine de ma mère", précise-t-il en souriant (Ahmad habite avec ses parents et ses deux sours, et loue une chambre avec salle de bains attenante).
Le tourisme de guerre en pleine expansion.
Depuis sa publication sur Airbnb cet été, l'annonce pour sa chambre a déjà suscité des dizaines de commentaires enthousiastes. "Si vous voulez vraiment savoir ce que vivre derrière le mur signifie, allez loger chez Ahmad", a écrit un jeune touriste tchèque, qui a ajouté : "C'est sans aucun doute ce que nous avons le plus apprécié de nos vacances en Israël." Ces hébergements Airbnb sont désormais une composante du secteur du "tourisme de guerre" en pleine expansion en Cisjordanie. Parmi les destinations les plus prisées, on trouve l'hôtel Walled Off, ouvert par l'artiste de rue britannique Banksy à Bethléem, le mur de séparation aux nombreux graffitis qui sépare Israël d'une grande partie de la Cisjordanie ainsi que les visites à thème politique de la ville disputée d'Hébron (l'une d'entre elles est organisée par Ahmad).
Ahmad a passé plusieurs années loin de sa terre natale à étudier les relations publiques et le marketing à Saint-Pétersbourg, en Russie. Alors qu'il s'occupe de ses invités dans l'agréable cour à l'arrière de sa maison, on voit tout de suite qu'il a des compétences dans ce domaine. Mais un tel état d'esprit positif et entrepreneurial tranche avec le fatalisme généralisé qui prévaut dans les rues de ce camp surpeuplé et pauvre, où les jeunes au chômage traînent désouvrés dans les rues, une cigarette à la bouche.
janvier 2020, journal Courrier International.
La semaine du 29 août 2017, les représentants des juifs haredim (« craignant Dieu », en hébreu) ont exigé l'annulation de travaux de chemin de fer pendant le shabbat.
Les médias israéliens les surnomment les « guerres du shabbat ». Ces crises ponctuelles opposent d'un côté les partis ultraorthodoxes juifs, Shass (séfarade) et Judaïsme unifié de la Torah (ashkénaze), et de l'autre les partisans d'une conception plus laïque de l'État hébreu. La semaine du 29 août, les premiers ont eu gain de cause, alors qu'ils réclamaient depuis fin du mois la suspension de travaux de rénovation sur des lignes de chemin de fer, prévus plusieurs samedis de suite. Or le samedi (« shabbat » en hébreu) est le jour du repos juif : du vendredi après-midi au samedi soir, la loi juive interdit toute forme de « melakha » (activité créatrice). Craignant une atteinte au caractère juif de l'État d'Israël, les partis religieux ont sommé le premier ministre Netanyahou d'intervenir. Les travaux ont alors été repoussés de 24 heures, entraînant dimanche 4 septembre une vaste pagaille dans les transports.
septembre 2017.
Le visage et le corps protégés pour éviter les piqures, trois Palestiniennes enfument des ruches sur des collines de Cisjordanie afin de produire un miel qui a changé leur vie et leur a permis de se réapproprier leur terre.
Mountaha Baïrat s'est lancée il y a quatre ans dans l'apiculture avec cinq autres femmes de Kafr Malek, un village proche de Ramallah en Cisjordanie, territoire palestinien occupé depuis près d'un demi-siècle par Israël. Femmes au foyer et ayant plusieurs enfants à charge pour la plupart, "on se disait au départ que c'était juste un petit projet" pour arrondir les fins de mois, raconte Mountaha, âgée de 37 ans. Mais "ce projet a totalement changé notre vie", témoigne la responsable des ruches blanches disséminées au coeur d'une oliveraie à Kafr Malek.
Chaque année, les six apicultrices de Kafr Malek produisent 600 kilos de miel, vendu 100 shekels le kilo (environ 25 euros), ainsi que des produits à base de gelée royale et de cire d'abeilles. Une fois les frais d'entretien des ruches déduits, chaque femme touche en moyenne 6.000 shekels par an, soit plus de 1.400 euros. Ce revenu supplémentaire est bienvenu pour leurs familles alors que le taux de chômage touche un quart de la population active et 40% des femmes dans les Territoires palestiniens.
Mais au-delà de l'aspect financier, poursuit Mountaha, le visage ceint d'un foulard rouge, les abeilles leur ont ouvert de nouveaux horizons. "Certaines femmes n'étaient jamais sorties de Palestine, voire de leur village. Et aujourd'hui, elles se sont rendues en Jordanie et même certaines en Espagne" pour présenter leurs produits dans des salons d'agriculture et de commerce équitable, explique-t-elle.
Le coup de pouce est venu de PARC, une organisation locale de soutien à l'agriculture palestinienne basée à Ramallah, où siège l'Autorité palestinienne. L'ONG aide aujourd'hui 103 femmes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza sous blocus en soutenant 64 projets agricoles.
La plupart des projets en Cisjordanie ont été montés dans la zone dite "C", les 60% de ce Territoire palestinien qui, depuis les accords israélo-palestiniens d'Oslo de 1993, sont placés sous total contrôle militaire israélien et échappent ainsi à l'Autorité palestinienne en termes de construction et d'aménagement. "L'idée est d'aider les gens à rester sur leurs terres, en particulier les femmes qui vivent dans des zones agricoles", en leur proposant "des projets qu'elles peuvent gérer elles-mêmes", explique Nasseh Shaheen, en charge de ces activités au sein de PARC.
Depuis Oslo, et notamment du fait de l'appropriation de terres agricoles par les colonies israéliennes, la part de l'agriculture dans le PIB palestinien a chuté, passant de près de la moitié du PIB à moins de 3,5% aujourd'hui. Seules un peu plus de 9% des personnes actives travaillent dans le secteur agricole, et la plupart cultivent des terres familiales sans en tirer de revenus.
juillet 2016.
"Je cours le marathon partout, mais dans les rues de ma ville, j'ai peur".
Hanine Radi, Arabe israélienne, rêvait d'organiser un marathon chez elle, au centre d'Israël, mais les menaces de mort des islamistes radicaux ont brisé son élan.
Agée de 36 ans, cette mère de quatre enfants, qui décrocha la troisième place au marathon de Tel-Aviv, s'entraîne trois fois par semaine à Tirah, une ville arabe d'Israël de 25.000 habitants. Elle emmène une cinquantaine de coureuses dans son sillage, mais seulement après 20 heures et dans un stade fermé, vidé de tous les hommes. Pas question de courir en plein jour ni en ville dans la tenue propre à cet exercice.
"L'an dernier, on avait tout organisé pour le marathon, on avait fixé la date, distribué les affiches", se rappelle cette membre de la minorité arabe, celle des Palestiniens et de leurs descendants restés sur leurs terres à la création de l'Etat d'Israël en 1948. Ils représentent aujourd'hui 17,5% de la population israélienne. "Mais quand je suis sortie avec les filles pour courir sur le parcours que nous avions retenu, nous sommes tombées sur des barbus (islamistes) qui nous ont insultées", déplore Hanine, musulmane elle-même, comme la grande majorité des 1,4 million d'Arabes israéliens. Le soir de cet entraînement mouvementé, elle a reçu des insultes et des menaces de mort par téléphone. Puis, au milieu de la nuit, "on a tiré sur ma maison et ma voiture". La police israélienne a interrogé un dignitaire religieux qui avait incité à la violence contre les coureuses. Mais "le dossier a été fermé sans que personne ne soit arrêté", regrette-t-elle.
A Tirah, comme dans le reste du secteur arabe israélien où l'on continue communément à se considérer comme palestinien, le salafisme -mouvement pour un islam "ultraorthodoxe" prônant un retour aux sources- progresse, concurrençant l'ancienne revendication nationale palestinienne, s'alarment experts et figures de la communauté. Pour les salafistes, le sort des Arabes israéliens, qui se plaignent d'être des citoyens de seconde classe dans un Etat juif à 75%, "est dû au fait que les gens se sont éloignés de la religion". "La question de l'identité nationale (palestinienne) n'est pas leur priorité, ils mènent un combat violent pour contrôler la société et imposer leurs idées religieuses". Il n'existe pas de chiffres officiels sur le nombre de musulmans salafistes en Israël. La police parle de quelques milliers sur plus d'un million de musulmans. Mais la progression de ce courant inquiète jusqu'aux islamistes modérés.
La place des femmes dans la société et le sport ne sont pas les seuls menacés par la montée du salafisme. En 2015, une pièce de théâtre a été interdite dans plusieurs villes. Récemment, un concert où devait se produire Haitham Khalayli, un Arabe israélien qui avait participé au télé-crochet panarabe Idol et des diffusions publiques du film jordanien "Al-Mokhless" ("le Fidèle") sur la vie de Jésus ont connu le même sort. A chaque fois, des dignitaires religieux tenants du salafisme ont estimé que ces manifestations "contrevenaient à l'islam et aux bonnes meurs".
La projection de films en arabe, les spectacles ou les expositions d'artistes arabes en Israël sont pourtant l'une des armes des Arabes Israéliens pour préserver une identité et une culture palestiniennes en Israël.
Ali Moussa, un enseignant qui avait montré à des lycéens le film palestinien "Omar", qui a concouru en 2014 pour les Oscars mais que les salafistes ont jugé "pornographique",raconte :
"Trois semaines après que j'ai projeté le film", qui ne contient qu'un rapide baiser, "des salafistes sont entrés dans le lycée et m'ont agressé et insulté dans la salle des professeurs avant de me menacer". Un groupe salafiste a ensuite diffusé un tract indiquant: "Personne n'échappera à la punition". Les Arabes israéliens inquiets en appellent aux autorités israéliennes qu'ils fustigent toutefois pour leur attitude discriminatoire à leur égard.
"Si de telles accusations avaient été formulées par un Arabe envers un Israélien (juif), il aurait été arrêté le jour même. Mais la police israélienne, qui se réclame de l'Etat de droit, préfère quand les Arabes se battent entre eux", accuse-t-il.
La police israélienne réfute que l'Etat s'intéresse moins au respect de la loi parmi les Arabes que les juifs israéliens.
juillet 2016
Bien qu’'en diminution depuis 2000, le nombre de colons qui s’'installent chaque année en Cisjordanie n’a jamais varié en fonction des gouvernements, qu’'ils soient de droite, travailliste ou de coalition. En 1991, on comptait 132 000 colons à Jérusalem-Est et 90 000 en Cisjordanie. En 2012, le nombre total de colons dépasse 500 000 dont 313 000 en Cisjordanie. Quant aux Palestiniens vivant dans la vallée du Jourdain, leur nombre est passé, entre 1967 et aujourd’hui, de 250 000 à 50 000.
En 1991, on comptait cinq colonies de juifs orthodoxes, avec 4 230 habitants soit 1 % des juifs orthodoxes vivant en Israël. Vingt ans plus tard, ils sont 100 000, soit un tiers des colons en Cisjordanie et 15 % du total des juifs orthodoxes. Les gouvernements israéliens ont utilisé le statut de cette population particulièrement pauvre pour l’inciter à se loger au-delà de la ligne verte, logements à bas prix, aide sociale spéciale, ouverture d’écoles orthodoxes, etc. La majorité des juifs orthodoxes qui se sont installés en Cisjordanie ne l’ont donc pas fait pour des raisons idéologiques et, pourtant, ce transfert a des conséquences politiques : les deux partis les représentant, le Shass, sépharade, et le Judaïsme unifié de la Torah, ashkénaze, rejettent désormais avec beaucoup plus de force l’idée de négociations, de retrait sur les lignes de 1967, et la création d’un Etat palestinien.
La colonisation vise la fragmentation de la Cisjordanie afin d'assurer le contrôle spatial. Et la communauté internationale, acceptent de fait cette fragmentation territoriale et démographique qui est un objectif d’Israël. L’idée même que l’occupation était réversible, à l’origine de toutes les négociations, a pratiquement été abandonnée, pour la majorité des Israéliens désormais, la paix et l’occupation ne sont pas incompatibles.
Contient des extraits du journal Le Monde Diplomatique.
Sur les 260 000 Palestiniens qui vivent à Jérusalem-Est, où ils cohabitent avec 200 000 colons juifs, Israël affirme que 13 000 d’entre eux possèdent la nationalité israélienne, les autres ayant une carte de résident permanent. Leur nombre ne cesse d'augmenter assure-t-on de source israélienne : 690 nouveaux citoyens israéliens ont été enregistrés en 2010, contre 147 en 2006. Seuls les habitants de Jérusalem-Est peuvent déposer une demande.
Si les autorités palestiniennes contestent ces chiffres, c'est que l'enjeu est d'importance. L'octroi de la citoyenneté israélienne, soulignent-elles, n'est que l'un des outils d'un vaste plan visant à judaïser la Ville sainte : plus celle-ci comptera de citoyens israéliens dans ses murs, et moins la question de Jérusalem sera difficile à régler au moment, encore fort lointain, où son statut sera au centre des négociations de paix israélo-palestiniennes. Pendant longtemps, la démarche visant à devenir citoyen d'Israël était une aventure individuelle périlleuse, risquant d'étiqueter l'impétrant comme collaborateur. Les choses ont un peu changé, mais l'opprobre persiste et la discrétion est de règle.
Fouad Kassem, -les noms ont été modifiés-, a sauté le pas en 1993. Ce fut une décision difficile pour ce guide touristique de Jérusalem. Il habitait alors en Cisjordanie. Son père, gravement malade, avait perdu le bénéfice de l'assurance-maladie et toute la famille tirait le diable par la queue pour assumer les frais médicaux. Fouad a voulu mettre fin à cette spirale financière. La seule solution était d'obtenir un passeport, et ainsi une couverture santé. Les gens disaient que ceux qui faisaient cette démarche étaient des traîtres, se rappelle-t-il. L'attente d'une réponse de l'administration israélienne se prolongera durant six mois. J'ai connu une période très difficile sur le plan personnel. Je suis allé à la mosquée demander au cheikh si c'était halal - légal, du point de vue islamique - ou haram - illégal -. Il m'a dit que c'était haram et il a ajouté : Si tu prends la nationalité de ton ennemi, après la mort tu le rejoindras.
Un jour, une lettre arrive par la poste : L'Etat d'Israël vous félicite... Seulement, Israël exige des candidats à la nationalité israélienne qu'ils renoncent à leur passeport jordanien, un document précieux dont bénéficient les résidents de Jérusalem-Est. Cet abandon est une décision lourde, sans retour. Je n'en dormais plus, ma femme était effrayée, elle me disait que j'allais être tué comme collaborateur. J'ai payé un avocat 3 000 dollars pour obtenir tous les papiers de l'ambassade de Jordanie, un vrai racket ! L'ambassade de Jordanie, où il est allé déposer, en se cachant, sa lettre de renonciation, est restée sans réponse et les années passent. En 2002, Fouad Kassem déménage pour Jérusalem-Est et ses relations avec sa belle-famille se tendent : Ils me disaient : Tu es un juif, tu es un juif ! Une fois installé dans la partie orientale, Fouad Kassem fait des démarches pour obtenir l'assurance-maladie, accordée en 2005. Je m'en suis bien sorti, résume-t-il. Depuis, il a compris : si les Jordaniens n'ont pas donné suite à sa requête, c'est qu'il existait un accord secret entre Amman et l'Autorité palestinienne pour bloquer les demandes de ceux qui voulaient troquer leur passeport jordanien contre un israélien.
Sameer Hussain est devenu citoyen israélien en 2003. Ambulancier de formation, il réalise vite que les offres d'emploi côté palestinien sont rares. Le seul moyen de travailler pour la Croix-Rouge israélienne était d'obtenir un passeport, explique-t-il. Lui aussi parle d'une décision douloureuse, parce que, du point de vue palestinien, c'était presque un crime. Aujourd'hui, il est plutôt satisfait de son statut : Cela me rend la vie plus facile, la plupart des formalités sont expédiées, et cela me permet de voyager sans difficultés. Enfin presque : Palestinien de naissance, il est soumis, à l'aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv, à la procédure de la fouille et de l'interrogatoire, qui est le sort commun des habitants de Jérusalem-Est, lesquels, pour voyager, obtiennent un simple laissez-passer. Dans mon for intérieur, je n'ai pas changé et je ne changerai pas : sur le papier, je suis israélien, mais de cœur, je suis toujours palestinien.
Youssef Hamaye n'a pas davantage d'états d'âme. Je me sens citoyen israélien. Je n'ai jamais fait de politique. Je paie mes impôts en Israël, j'ai une maison, il n’y a donc rien d'anormal à ce que je bénéficie de la nationalité. Brocanteur de luxe, grand voyageur, habitué de la clientèle internationale à qui il vend fort cher des antiquités en provenance des pays arabes, il a obtenu son passeport israélien en 1982. A l'époque, se rappelle-t-il, ce document n'était donné qu'à quelques hommes d'affaires et aux collaborateurs des Israéliens. J'ai simplement dit la vérité : je voulais un passeport pour pouvoir voyager librement. Quant à mes amis et connaissances, tout le monde sait bien que je n'ai rien d’un collaborateur. Aujourd'hui, avec mon passeport, je peux aussi bien vivre à Tel-Aviv ou Tibériade, et y acheter une maison. Il n'a pas plus de complexes à avouer que ses meilleurs amis sont juifs et chrétiens. L'important, ce n'est pas la religion, c'est la personne, insiste-t-il.
Et si demain, l'Etat palestinien voit le jour ? Youssef Hamayel n'hésite pas : L'endroit où j'habiterai sera celui où je travaille et où j'ai ma maison, indique-t-il. Selon lui, un très grand nombre d'habitants de Jérusalem-Est seraient prêts à payer des ponts d'or pour devenir citoyen israélien, et à le rester, quel que soit l'avenir. Franchement, je doute qu'un Etat palestinien offre les mêmes avantages sociaux qu'Israël...
Au contraire, aujourd'hui encore Najib Salah vit très mal sa citoyenneté israélienne, acquise en 1983. Il regrette amèrement cette décision, tout en constatant qu'un retour en arrière n'est pas possible. Il tient à mettre très vite les choses au point : Je suis un musulman, un Arabe, un Palestinien, et j'en suis fier... Ce chauffeur de taxi a eu une première vie de maçon, puis de policier, en 1980. C'était un bon métier, avec un salaire stable, mais pour intégrer l'école des sous-officiers de la police, il fallait devenir citoyen israélien. Najib Salah effectue donc les démarches pour décrocher l'ezrahoot - citoyenneté - israélienne. Depuis lors, sa carte d'identité précise : Ezrahoot : israélienne. Lors des contrôles d'identité, cela fait une appréciable différence par rapport aux résidents de Jérusalem-Est, pour qui la mention ezrahoot est suivie de plusieurs petites croix, signe distinctif du Palestinien, qui saute aux yeux de tout policier israélien.
Lors de la première Intifada, en 1987, Najib travaille au commissariat de la porte de Jaffa. Tous les jours, je voyais arriver des adolescents palestiniens battus et ensanglantés, je n'en pouvais plus. Il démissionne et devient chauffeur de taxi. Najib reconnaît que son passé d'ex-policier et sa citoyenneté israélienne ne lui valent pas que des amis. J'espère que l'occupation s'achèvera et que je pourrai récupérer mon passeport palestinien avant de mourir, dit-il, même s'il en doute.
La décision de solliciter un passeport israélien est toujours lourde de sens pour les Palestiniens : s'ils sautent le pas, hormis pour des raisons d'ordre économique, c'est souvent par désillusion. La perspective de voir se créer un jour un Etat palestinien leur paraît si loin.
Contient des extraits du journal Le Monde du 12.01.2012
Colonisation. Destructions de maisons, nouvelles implantations… l’étau se resserre autour de la partie orientale de la ville habitée par les Palestiniens.
De longs pans de l’ossature métallique sont suspendus au-dessus de leurs têtes. Ce qui reste du toit explosé menace à tout moment de céder. À leurs pieds, les gravats des façades. Ce fantôme de maison, lové au creux des collines du mont des Oliviers, à Jérusalem, appartient à la famille palestinienne Al Sayad. Comme 87 autres logements du quartier de Selwan, cette maison a reçu, en 2005, un ordre de démolition. Pour justifier ces opérations, la municipalité prend appui sur un projet d’espaces verts qui jouxteraient le parc archéologique. Il y a trois mille ans, ce site était celui de la cité de David, ce roi qui aurait fait de Jérusalem sa capitale et fondé une dynastie en Israël. Tous les droits sur le terrain sont désormais gelés. Ainsi, si la famille s’agrandit, impossible d’envisager une extension. Les immeubles sont pour leur part limités à deux étages. Et de nouvelles routes cernent les quartiers palestiniens afin d’empêcher leur extension.
Des drapeaux israéliens, plantés de manière éparse, marquent d’ailleurs l’implantation progressive des colons israéliens à l’Est. Les résidents palestiniens qui mènent un combat quotidien contre le délogement accusent la municipalité de vouloir renverser la balance démographique. Il existe bel et bien une stratégie qui vise à vider la partie Est de la ville de ses habitants palestiniens et d’occuper progressivement toute la terre. Pourtant, les lois internationales stipulent que les statuts de la ville ne peuvent être modifiés. Si nos constructions sont illégales comme l’affirme Israël, celles des colons le sont également, clame Adnan Husseini, gouverneur palestinien de Jérusalem, avant d’assurer : Nous resterons ici quels que soient les sacrifices. Au-delà des 88 maisons de Selwan, 300 habitations sont concernées dans une zone de 9 kilomètres carrés, qui englobe cinq quartiers. Pour Abel Shaloudi, qui anime un comité d’habitants de Selwan, il est clair que ces interventions ne relèvent pas d’une simple opération d’urbanisme mais bien d’une opération de nettoyage ethnique, et de questionner : Comment puis-je espérer élever mes enfants dans ce climat ? Salim Hannoun, lui, a déjà éloigné son cadet de ce climat de peur perpétuelle. La maison qu’il habite et où il a vu le jour en 1954 est également menacée. Électricien au consulat de France, il passe de procès en procès depuis trente-sept ans et dépense des sommes folles pour sa défense, pour pouvoir garder son logement. Cet argent aurait pu servir à construire une autre maison. Mais c’est ici que nous avons bâti toute notre vie et nous ne la quitterons pas, souffle-t-il, avant de poursuivre : Je suis incapable de produire l’acte de propriété demandé par les Israéliens. Depuis le mandat britannique, on s’installe et le domaine est à nous de fait. Depuis quelques mois, des observateurs internationaux se relaient la nuit pour protéger sa maison autant que faire se peut.
À chaque destruction de maison, les habitants essayent de reconstruire en vitesse pour continuer à occuper le terrain. C’est une forme de lutte. Nous nous battons mètre carré par mètre carré, explique Abel Shaloudi. B’Tselem, le centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les territoires occupés, considère que, depuis 2004, plus de 3 400 maisons ont été réduites à néant.
En 2004, la municipalité a voté un nouveau schéma directeur remplaçant celui de 1959. En charge de concevoir des projections démographiques, sociales et économiques, ce document est le reflet urbain d’une volonté politique. Il prend ainsi soin de consolider la souveraineté israélienne sur la Ville sainte. L’introduction est à cet égard plus qu’une illustration puisqu’elle confirme la place de Jérusalem comme capitale d’Israël. Pour assurer ce rôle, les politiques urbaines doivent donc veiller au grain, à la distribution ethnique de la population, et surtout aux souhaits gouvernementaux : 70 % d’Israéliens, 30 % de Palestiniens. En 1967, la ville comptait 74 % d’habitants israéliens pour 26 % de Palestiniens. En 2002, la balance s’est quelque peu inversée à la faveur de la croissance naturelle palestinienne, avec 67 % d’Israéliens et 33 % de Palestiniens. Israël mise donc sur la perspective d’un solde migratoire positif de résidents juifs vers Jérusalem. Pourtant, la ville souffre d’un défaut d’attractivité de par la situation sécuritaire, la montée des orthodoxes et un marché du travail morose. Ne pouvant compter sur les laïcs pour peupler la ville, la municipalité peut néanmoins s’appuyer sur les familles juives nationalistes, soutenues par des organisations d’extrême droite favorables à la colonisation. À ces projets s’ajoute celui de la construction d’un tramway à l’est de la ville par le consortium français City Pass, regroupant Alstom et Connex. Il relie les colonies de Pisgat Ze’ev, Maale Adumim à Jérusalem-Ouest. Soit une annexion de fait de la partie Est à Israël et donc de nouvelles confiscations de terre. Les destructions de maisons et le tramway sont une manière, après 1948, après 1967, de rayer une nouvelle fois les Palestiniens de la carte, explique Fadwa Khader, membre de la direction du Parti du peuple palestinien. Gaza était une guerre totale, mais ce qui se déroule à Jérusalem-Est est une nouvelle forme de guerre. Plus silencieuse que les bombes et donc plus insidieuse. De la préservation du statut de la ville et de la partie Est comme capitale d’un futur État dépend donc un autre combat : celui de la sauvegarde de l’identité palestinienne. Et Hind Khoury d’analyser : Jérusalem est un microcosme. Ce qu’il se passe à l’échelle des territoires est condensé ici. La question palestinienne c’est l’histoire d’une expulsion mais cette capacité à se révolter et à résister rend, à chacun de nous, son humanité. À son tour, Me Daniel Seidemann, à la tête de l’ONG Ir Amim, avertissait en avril dernier : Si la colonisation continue, il sera bientôt trop tard pour une solution au conflit basée sur deux États. Ce sera l’impasse absolue. Aujourd’hui, 190 000 Israéliens vivent dans une douzaine de quartiers à Jérusalem-Est pour 270 000 Palestiniens.
Lina Sankari, journal L'Humanité du 07 mai 2009.
Hébron, Cisjordanie méridionale, dénommée Judée, est un cas à part. Le lieu est lourdement chargé de symboles : le Tombeau des Patriarches - Abraham et Sarah, Isaac et Rebecca.... Avec Safed, Tibériade et Jérusalem, Hébron est une des quatre cités saintes du judaïsme. Le Tombeau des Patriarches est, pour les juifs, un lieu particulièrement sacré et l'on vous fait remarquer que les synagogues, autrefois nombreuses dans les pays arabes, sont aujourd'hui inaccessibles ou détruites, ce qui renforce à l'égard des lieux saints du judaïsme tel Hébron, une vénération passionnée.
En 1929, 67 juifs y étaient massacrés, et les Britanniques évacuèrent la petite communauté juive de la cité. En mai 1970, non loin, est créée l'implantation de Kiryat Arba où vivent quelque 7 250 juifs. En 1979, des colons religieux entrent dans la ville et y occupent un bâtiment. L'année suivante, sept d'entre eux sont assassinés. Quatorze ans plus tard, un certain Goldstein tue 29 musulmans dans la mosquée du Caveau. En vertu du protocole d'Hébron, en 1997, la ville est divisée en deux : H1 et H2.
J'ai pu, grâce à Elie Barnavi, ancien ambassadeur d'Israël en France, et avec lui, visiter la section fantôme du centre-ville -H2-. Afin que moins de 900 colons ultrareligieux puissent y séjourner sous la protection de l'armée, parallèlement à 175 000 Palestiniens, il a fallu, dans la période qui suivit l'affaire Goldstein et durant la seconde Intifada, procéder à la fermeture des marchés de la viande, des fruits et légumes, murer une série de sorties de la section H1, évacuer un millier de logements, fermer 1 800 boutiques.
Des maisons palestiniennes ont leur porte d'entrée condamnée. Les habitants doivent sortir par les toits. Les fenêtres ont des avancées de protection contre les pierres jetées par des colons agressifs. Les Palestiniens peuvent aller à pied dans les rues de H2, mais pas en voiture. De nouvelles implantations se sont créées : Givat Haavot, Avraham Avinu, Beit Romano, Beit Hadassah, Tel Rumeida. Hébron montre le visage nu de l'occupation. Quelles que soient les motivations religieuses, il est choquant de voir quelques centaines d'ultra-orthodoxes obliger des dizaines de milliers de Palestiniens à s'incliner de la sorte. Hébron est une flétrissure dans la démocratie israélienne.
Gérard Chaliand journal Le Monde du 21/05/2012
Mira Awad, est une artiste d'une trentaine d'années, célèbre au Proche-Orient, faisant figure de symbole des difficultés auxquelles font face les Israéliens arabes, pas assez israélien d'un côté, plus assez arabe de l'autre. Mira Awad était attendue pour un concert à Nazareth où vivent de nombreux Arabes israéliens. Mais les prises de position politiques de la chanteuse en faveur d'un dialogue entre les deux parties lui valent un appel au boycott. Le collectif d'associations palestinien -Boycott, désinvestissement et sanctions-, un groupe qui entend peser sur Israël en boycottant tout ce qui a rapport avec l'état Hébreu, a demandé à la mairie de Nazareth d'annuler la venue de la chanteuse, compte tenu de la coopération de Mira Awad à la propagande sioniste dans le monde.
Déjà en 2009, Mira Awad, chanteuse arabe israélienne et chrétienne, avait représenté Israël à l'Eurovision, en compagnie de la chanteuse israélienne et juive Noa. Elle s'était vue accusée de collaborer avec la propagande sioniste, par le même collectif palestinien, tandis que l'extrême-droite israélienne jugeait Mira Awad indigne de représenter le pays car irrespectueuse des traditions juives.
Je me sens palestinienne de cœur, mais je suis israélienne sur mon passeport. Minoritaire dans la minorité, Mira Awad fait partie de la poignée de chrétiens parmi les Arabes israéliens, majoritairement musulmans. L'artiste se sert de son identité multiple dans son travail. Elle a par exemple un rôle dans le sictom Avodah Aravit, -Travail d'arabe-. Elle y joue une avocate arabe en couple avec un israélien juif. Un couple qui n'existe cependant qu'à l'écran. Interviewée par NRG en février dernier, Mira Awad, qui vit à Tel Aviv, expliquait ne pas pouvoir avoir une histoire d’amour sérieuse avec un Israélien : La réalité est qu'il y a en Israël beaucoup de garçons charmants avec qui passer de très bons moments. Mais même le plus gauchiste des Israéliens refusera de se marier avec moi, car cela voudrait dire que ses enfants ne seront pas juifs.
Quant aux habitants de Jérusalem-Est, Israël leur a accordé une carte de résident permanent après le conflit de 1967. Leur situation est nettement plus précaire que celle des Palestiniens qui se sont retrouvés en territoire israélien après la guerre de 1948 et bénéficient de droit de la citoyenneté israélienne : ces derniers sont installés en majorité en Galilée et représentent 1,6 million de personnes, sur 7,8 millions d'Israéliens, soit 20 %.
Contient des extraits du journal Le Figaro
Quelque 100.000 protestataires rassemblés au cœur de Jérusalem-Ouest, selon la police, plus du double d'après les organisateurs, une autre manifestation a réuni quelque 20.000 personnes à Bnei-Brak, ville à population juive orthodoxe située près de Tel Aviv. Il s'agit du plus important mouvement de colère des Juifs religieux depuis plus de 10 ans en Israël. L'effervescence des hommes en noir d'Israël répond à un arrêt de la Cour suprême interdisant la ségrégation entre enfants ashkénazes et séfarades dans une école religieuse de la colonie juive d'Immanuel en Cisjordanie occupée.
Les études des enfants ultra-orthodoxes, enfermés dans un système dans lequel les matières générales, langues, histoire, mathématiques... ne sont pas ou très peu enseignées, n’aboutissent pas au bac, les élèves sont privés de la possibilité de mener des études supérieures, d’acquérir une culture générale et de développer le moindre esprit critique. Compte tenu de la progression démographique des juifs orthodoxes et ultra-orthodoxes, 800.000 actuellement, le maintient et le financement public d’un système éducatif aussi sectaire est non seulement catastrophique pour l’avenir économique du pays, mais il prépare la mort lente de la démocratie israélienne. Aucun autre pays occidental ne soutient, ni même tolère, un pareil réseau scolaire.
Les parents ashkénazes -originaires d'Europe centrale et de l'Est-, refusent que leur nombreuse progéniture aille en classe avec des enfants séfarades -d'origine orientale-, malgré l'arrêt de la Cour suprême. Ils ont retiré leurs filles de l'école et doivent purger deux semaines de prison, la scolarisation étant obligatoire en Israël. Ils se défendent d'être racistes et expliquent leur refus d'accepter d'autres jeunes filles par des différences entre les traditions religieuses séfarades et ashkénazes.
Sur les banderoles des manifestants, les slogans ne cessent de rappeler la primauté de la loi religieuse sur les règles laïques. C'est la Torah qui commande !, pouvait-on lire sur les panneaux des protestataires. Ou encore, sur des autocollants : J'affirme respecter davantage la Torah que les décisions de la Cour. Toutes mouvances confondues, les juifs orthodoxes récusent l'autorité de la Cour suprême, la plus haute instance juridique israélienne, au nom de la primauté de la Torah et de la loi religieuse. En 1999, les Juifs haredim -les craignant Dieu- avaient rassemblé un demi-million de personnes à Jérusalem, la plus importante manifestation de l'histoire du pays, pour protester contre la dictature de la Cour suprême.
En vertu d'un accord avec l'Etat, les jeunes juifs orthodoxes échappent aux obligations militaires s'ils étudient jusqu'à l'âge de 25 ans dans des instituts talmudiques.
L'affaire de la colonie d'Immanuel a suscité la colère et ravivé le conflit sourd entre laïcs et juifs orthodoxes. Les premiers accusent les seconds de coercition pour imposer leur vision du monde, et leur reprochent de bénéficier d'une exemption du service militaire obligatoire. Les religieux orthodoxes font beaucoup d'enfants, mais les hommes ne travaillent pas et accomplissent très rarement le service militaire. Tandis que leur proportion augmente, ils tendent à vouloir régenter les comportements pour tous, notamment le jour du sabbat et maintiennent les femmes en position d'infériorité.
Des heurts ont éclaté entre des policiers israéliens et plusieurs centaines d'ultra-orthodoxes réclamant bruyamment une séparation stricte entre hommes et femmes. Un policier a été légèrement blessé par un jet de pierre et plusieurs manifestants interpellés, a précisé le porte-parole de la police.
Des groupes de harédim ont pris à parti policiers et journalistes, les molestant et leur intimant de dégager, selon des témoins. Ils leur ont aussi lancé des œoeufs et brûlé des poubelles. Plusieurs pancartes exhortant à séparer les hommes des femmes dans l'artère principale du quartier ultra-orthodoxe de Beit Shemesh, qui avaient été enlevées par les policiers, ont été réinstallées par des habitants.
Dans le nord de la bande de Gaza, 500 mètres avant Erez, le terminal fortifié qui commande l'entrée sur le territoire israélien, la police du Hamas tient un check- point de fortune. C'est devant cette cahute à moitié défoncée depuis l'offensive de janvier que les candidats au départ présentent leurs papiers d'identité.
Le 25 mars, Khaled Abdel Shafi, le patron local du Programme des Nations unies pour le développement,PNUD, s'y est brièvement arrêté. Le fils aîné du défunt Haïdar Abdel Shafi, qui fut l'une des consciences du nationalisme palestinien, disait ce jour-là adieu à Gaza. Une promotion au siège des Nations unies offrait à ce quadragénaire taciturne l'occasion inespérée de s'envoler pour New York et, ce faisant, de rejoindre dans la diaspora ses deux frères cadets : Tarek, traumatisé par la guerre, parti fin janvier pour Amman, et Salah, nommé en 2006 ambassadeur de l'Autorité palestinienne à Stockholm.
Le policier de faction a rempli le formulaire d'usage et, cinq minutes plus tard, la Jeep du haut fonctionnaire international disparaissait derrière les palissades de béton du corridor d'Erez. Pour l'occasion, les autorités militaires israéliennes avaient consenti à ouvrir ce point de passage, traditionnellement interdit aux Palestiniens. Le rideau est ainsi retombé sur la saga de la famille Abdel Shafi. Un chapitre de l'histoire de ce confetti de terre s'est refermé en silence. Un chapitre modeste, familial. Mais les pages qui le composent ont valeur de symbole, tant le parcours de cette fameuse fratrie raconte la trajectoire en chute libre de ce territoire maudit.
Qu'une famille pareille quitte sa terre natale, une famille qui a tant donné à la cause de la paix et du développement, cela en dit long sur l'état de décomposition de notre nation, dit Sami Abdel Shafi, un cousin des trois frères qui travaille comme consultant high-tech à Gaza. Un héritage entier disparaît, comme si l'on arrachait les racines d'un grand arbre. Et pour Israël, dont l'objectif a toujours été de vider la Palestine de son élite, c'est une aubaine.
Chez Khaled Abdel Shafi, l'idée du départ a germé le 14 mars de l'année 2006. Ce jour-là, à Gaza, en représailles à une incursion israélienne à Jéricho, des miliciens masqués pénètrent dans l'Ecole américaine, le fleuron du système éducatif local. Ils ont sillonné les couloirs la kalachnikov à la main, à la recherche d'étrangers à kidnapper, racontait le représentant du PNUD quelques semaines avant son départ. Ils se sont emparés d'un professeur sous le nez de ma fille, Yasmina, qui est restée traumatisée par cet événement.
Pas facile, cependant, de songer à émigrer quand on est né à Gaza. L'ombre de la Nakba, l'exode de 700 000 Palestiniens chassés de leur terre en 1948 par les troupes de l'Etat juif naissant, pèse lourd sur les épaules. Le plus jamais ça irrigue en profondeur la conscience nationale. Persister, c'est résister.
Pourtant, dans Gaza la martyre, à partir de l'année 2006, le tabou commence à vaciller. Aux bombardements israéliens quasi routiniers s'ajoutent le marasme économique déclenché par le boycottage du gouvernement du Hamas, la guerre civile entre les islamistes et le Fatah, la gangrène des groupes armés par les méthodes djihadistes, les règlements de comptes entre clans... La quête du permis de travail à l'étranger alimente de discrètes discussions sur les terrasses chics du bord de mer. Insensiblement, l'exode des cerveaux se met en place. L'occupation israélienne, on connaît, on peut la supporter, dit Khaled Abdel Shafi. Mais l'essor du fondamentalisme islamique et les violences internes, c'est beaucoup plus difficile à gérer. Surtout quand il y va de l'avenir de nos enfants.
A l'été 2006, profitant d'une brève ouverture de la frontière, Yasmina s'en va poursuivre ses études en Allemagne, accompagnée par sa mère, Christina, d'origine allemande. Khaled Abdel Shafi, lui, reste à Gaza dans l'espoir que la situation s'améliore et pour veiller son père, Haïdar, qui aborde le crépuscule d'une existence mouvementée.
Le 31 octobre 1991, le monde entier avait applaudi le flamboyant discours prononcé par Haïdar Abdel Shafi, médecin à la silhouette de patricien, en ouverture de la conférence de paix de Madrid. Membre fondateur de l'OLP en 1964, partisan par réalisme de l'édification de deux Etats, il avait été l'un des rares Palestiniens à soutenir, en 1947, le plan de partage de l'ONU, la moins pire des solutions, selon lui. Pas dupe pour autant des négociations en trompe-l'oeil, il devint par la suite l'un des critiques les plus résolus du processus de paix d'Oslo et de l'un de ses principaux artisans, Yasser Arafat.
Né à Gaza en 1919, Haïdar Abdel Shafi s'était fait connaître dans les années 1950, au retour d'un séjour aux Etats-Unis, où il s'était spécialisé en chirurgie. A l'époque déjà, le dilemme entre la carrière à l'étranger et le combat sur la terre natale s'était posé. Il était inconcevable de ne pas rentrer, raconte Mustafa Abdel Shafi, le frère octogénaire de Haïdar, qui avait suivi sa trace aux Etats-Unis. On m'avait proposé un job en or dans une clinique privée du Connecticut. Mais il me fallait revenir pour servir mon peuple. L'inverse aurait été antipatriotique.
Dans les années 1980, les trois frères reproduisent ce parcours type. Khaled, le sage de la bande, choisit l'architecture à Moscou ; Tarek, le second, qui a hérité de l'allure et de l'affabilité de son père, opte pour le droit à Caen, en France ; Salah, le dernier, le plus extraverti des trois, se forme à l'économie en Allemagne de l'Est. A l'orée des années 1990, ils rentrent au pays, leur épouse étrangère au bras. Notre père représentait un modèle de sacrifice au nom de l'intérêt public, affirme Tarek, 48 ans, joint par téléphone à Amman. C'est sûr que cela a joué dans notre décision de rentrer. Khaled renchérit : A cette époque, tous les jeunes formés à l'étranger rêvaient de mettre leurs diplômes au service du futur Etat de Palestine promis par les accords d'Oslo.
Très vite, les trois frères décrochent des postes prestigieux. Khaled prend la direction du PNUD, chargé de développer l'infrastructure de Gaza ; Tarek pilote pour l'USAID, Agence des Etats-Unis pour le développement international, des projets de formation au sein du tout nouveau Parlement ; Salah monte une boîte de consultant qui aide à la mise en oeuvre de projets internationaux. Le processus de paix patine déjà, mais la vie est encore douce. En lisière du rivage, Tarek et sa femme française, Sonia, se font bâtir une belle villa aux murs couleur sable. Khaled investit dans la construction d'un hôtel de luxe, le Deira, destiné à devenir le QG des diplomates et des journalistes. Dans la bulle économique made in Oslo, gonflée par les dollars des donateurs étrangers, leurs talents, leur patronyme illustre et leur réseau de relations font des merveilles. Quelques jaloux aussi.
Salah est le premier à partir. Au début de l'année 2006, le triomphe électoral du Hamas a coupé net le fragile élan né de l'évacuation, six mois plus tôt, des colons juifs de Gaza. La communauté internationale se raidit. Israël donne un tour de vis supplémentaire au bouclage du territoire côtier. Salah s'en va diriger la représentation palestinienne en Suède avec son épouse et leurs deux garçons.
A l'été 2006, c'est au tour de Yasmina et Christina, la fille et la femme de Khaled. Tarek, Sonia et leurs deux enfants tiennent encore bon. Paradoxalement, la prise de pouvoir du Hamas, en juin 2007, les réconforte. Certes, il faut mettre en sourdine ces fêtes qu'ils sont parmi les derniers à organiser. Mais la sécurité est revenue. Ce fut le grand changement par rapport au Fatah, dit Tarek. Les milices et les clans ont été mis sous contrôle. Il n'y avait plus de kidnapping, plus de vols, on pouvait se promener seul le soir en ville.
En septembre 2007, la famille est une dernière fois réunie à Gaza, au chevet du patriarche mourant. Hind, la fille aînée, pédiatre aux Etats-Unis, a fait le voyage. Haïdar Abdel Shafi s'éteint le 25 septembre, à l'âge de 88 ans, sous les yeux de sa femme Hoda. Sa disparition amorce le mouvement de dispersion. D'autant que l'année qui suit est l'une des pires de l'histoire de Gaza. Les raids incessants de l'aviation israélienne, les tirs de roquettes par les milices du Hamas, les pénuries de pain, d'eau et d'électricité engendrées par le bouclage creusent un abîme sous les pieds des habitants. Cinq mois de trêve rallument l'espoir. Et puis c'est le coup de massue du 27 décembre 2008. Deux cents morts en vingt minutes de bombardements. Plus de mille autres dans les vingt et un jours de guerre qui suivent. Fin février, Khaled dresse pour le PNUD le bilan des dégâts : 14 000 maisons démolies complètement ou partiellement, 85 % des usines de production de béton détruites, 140 millions de dollars de dégâts dans le secteur agricole...Ce sera son ultime rapport. Tarek et Sonia, eux aussi, baissent les bras. Sitôt le cessez-le-feu déclaré, ils sont évacués par le consulat de France, direction Amman. On est parti le coeur lourd, dit Tarek. C'est triste de se dire que les Abdel Shafi quittent Gaza. La guerre a été le point critique. Mais depuis longtemps, le manque de liberté était dur à supporter, notamment pour Sonia qui avait les pires difficultés à voyager parce que les Israéliens refusaient de lui accorder un visa. Adieu ou simple au revoir ? Ce n'est pas un départ définitif, dit-il, sans grande conviction. Le cousin Sami est plus pessimiste. Cette terre est damnée, elle est décidée à expulser ses propres enfants, disait-il en 2007. L'Histoire est en train de lui donner raison.
Benjamin Barthe, journal Le Monde du 10.05.2009.
La guerre israélienne contre Gaza de l’hiver 2008-2009 a soulevé une immense émotion et de puissantes mobilisations à travers le monde. Elle a provoqué de vifs débats autour de la légitimité de cette offensive, des crimes commis, de l’avenir, et même de la possibilité de la paix entre Palestiniens et Israéliens. Une question a aussi ressurgi : pourquoi la Palestine ? Pourquoi suscite-t-elle tant d’émoi, tant d’invectives, tant de manifestations ? Après tout, la planète connaît des guerres plus meurtrières, que ce soit au Darfour ou au Congo ; des oppressions au moins aussi dévastatrices, que ce soit au Tibet, en Tchétchénie ou en Birmanie ; des dénis aussi scandaleux du droit à la liberté, qui concernent le sort des intouchables en Inde, celui des Nubiens au Kenya ou des Indiens dans divers pays d’Amérique latine.
Que se cache-t-il donc derrière cette focalisation sur la Palestine ? Pour certains, la réponse ne fait aucun doute : c’est la présence des juifs, la haine contre eux qui est le moteur de cet intérêt malsain. La critique de l’Etat d’Israël et de sa politique servirait de feuille de vigne à l’antisémitisme éternel.
Même sans partager ce point de vue réducteur, la question, Pourquoi la Palestine ? , est légitime. Elle offre même un intérêt dans la mesure où elle permet de réfléchir à la place centrale que ce conflit occupe aujourd’hui sur la scène mondiale, au même titre que ceux du Vietnam dans les années 1960-1970 et de l’Afrique du Sud dans les années 1970-1980.
La Palestine a désormais pris le relais. Pourquoi ? Parce que, en ce début de XXIe siècle, elle cristallise un moment de l’histoire des relations internationales : dernier fait colonial né du partage des empires, elle symbolise la persistance de la relation inégale entre le Nord et le Sud, comme le conflit du Vietnam ou celui de l’Afrique du Sud, mais aussi la volonté de sa remise en cause. Elle est le paradigme d’une injustice jamais réparée. L’implication des États-Unis, principale puissance mondiale, et d’Israël, principale puissance régionale, conforte son enjeu mondial.
L’arrière-plan :
L’intérêt stratégique de la Palestine et du Proche-Orient, qui explique la longévité peu ordinaire des rivalités dont elle a été l’objet, et le caractère saint de cette Terre forment le terreau de l’affrontement, même s’ils ne sont pas la cause première de l’importance qu’il a acquis aujourd’hui.
Situé au carrefour de trois continents, le Levant est le lieu de passage d’une grande part du commerce mondial. Dès le XIXe siècle, son contrôle devient essentiel pour Londres, qui veut protéger, à travers le canal de Suez, la route des Indes, joyau de son empire. De plus, la région est devenue, au XXe siècle, le plus riche réservoir de pétrole de la planète.
L’affrontement autour de la Palestine s’est engagé avant même l’effondrement des deux empires ottoman et tsariste ; il s’est poursuivi durant la marche vers la seconde guerre mondiale, s’est intensifié avec la guerre froide, a résisté au nouvel ordre international né de l’effondrement de l’Union soviétique et se prolonge encore sans que personne puisse apercevoir une lueur au bout du tunnel. Henri Queuille, ministre de la IIIe République, prétendait qu’aucun problème ne résistait à l’absence de solution ; la Palestine en offre un contre-exemple tragique.
Depuis 1967, des guerres, dont certaines ont failli dégénérer en affrontements entre les deux blocs, ont installé le Proche-Orient à l’avant-scène de l’actualité : guerre de juin 1967 ; guerre d’usure entre l’Égypte et Israël, 1968-1970) ; guerre d’octobre, dite de Ramadan ou de Kippour en 1973 ; guerre civile libanaise en 1975 avec participation des Palestiniens et occupation israélienne du Sud ; invasion israélienne du Liban en 1982 ; première Intifada -1987-1993- ; seconde Intifada, à partir de septembre 2000, avec sa vague d’attentats-suicides ; guerre contre le Hezbollah en 2006 ; offensive israélienne contre Gaza -2008-2009– sans même parler des différentes conflagrations dans le Golfe ; Aucun autre conflit n’a occupé aussi longtemps une telle place dans les bulletins d’information.
Autre dimension des affrontements, le caractère sacré de la Palestine. Durant des siècles, les noms de Jérusalem, de Bethléem, de Hébron ont résonné dans la mémoire des fidèles des trois grandes religions monothéistes. Même si elles servirent de couverture à d’autres ambitions, les Croisades ont embrigadé pendant plusieurs centaines d’années des hommes et des femmes des deux bords de la Méditerranée. Et les juifs religieux allaient en Palestine pour y mourir et y être enterrés. Quand, à partir du XIIe siècle, ces terres revinrent durablement sous contrôle de puissances musulmanes, d’importantes communautés chrétiennes et même juives, y vivaient, et la Palestine demeura un lieu de pèlerinage aussi bien pour les juifs que pour les chrétiens. Les voyages, à l’époque, n’étaient soumis à aucun visa, à aucun papier d’identité, mais aux aléas de la sécurité, les longs déplacements par mer ou par terre étant souvent hasardeux.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, les collines de Jérusalem et les oliviers de Palestine attirèrent romanciers et peintres français ou britanniques. Chaque nom, chaque pierre évoquait la naissance des religions, les Livres saints, la traversée du Sinaï par Moïse, le sermon de Jésus sur la montagne, même pour des voyageurs que n’exaltait plus une foi conquérante. Durant de longues périodes, la Méditerranée fut une mer d’échanges, aussi bien humains que culturels, plutôt que de déchirements. Et l’esprit des Croisades ne soufflait pas toujours sur la mer du milieu
A une exception près toutefois, passée largement inaperçue : l’existence de penseurs protestants qui, interprétant des passages de la Bible, et notamment de l’Apocalypse, voyaient dans le retour des juifs en Palestine, puis leur conversion, une étape nécessaire à la venue du Messie. Ce millénarisme a eu une influence substantielle sur la politique britannique, comme il en a une aujourd’hui aux États-Unis.
En revanche, alors que déclinait en partie l’attraction des religions, une nouvelle idéologie émergeait : le nationalisme. A la fin du XIXe siècle, l’Organisation sioniste mondiale était fondée, qui revendiquait un État juif en Palestine ; et, déjà, un mouvement de renaissance arabe, nahda, ambitionnait d’assurer l’indépendance des Arabes face à l’Empire ottoman, mais aussi face aux puissances européennes.
La reconquête de Jérusalem par les troupes alliées en 1918 ne pouvait manquer de soulever une vague de consternation dans le monde musulman. Elle entérinait l’effondrement du dernier grand empire musulman, l’Empire ottoman, dont on oublie trop souvent qu’il fut une des puissances européennes les plus avancées du continent aux XVe et XVIe siècles ; l’abolition du califat, symbole de l’unité, en partie factice, de l’oumma, la communauté des croyants, mais aussi du retard dans lequel s’enfonçait le monde arabe, et plus généralement le monde non développé. Cette reconquête marquait l’apogée de la domination de l’Europe sur la planète.
Dictée par des ambitions purement géopolitiques, la prise de Jérusalem pouvait être lue comme une revanche sur la défaite des Croisades. N’est-ce pas un général français qui, après avoir pris Damas en 1920, alla se recueillir sur la tombe de Saladin, le libérateur de Jérusalem pour les musulmans, et aurait déclaré : Saladin, nous voilà de retour ?
Le Royaume-Uni, qui avait obtenu en 1922 le mandat de la Société des Nations, SDN, sur la Palestine, se voyait aussi confier la mise en œuvre de la promesse Balfour du 2 novembre 1917, un engagement pris par Londres de favoriser la création d’un foyer national juif. L’affrontement se déploya dans ses formes actuelles, mais la Palestine resta un aimant pour nombre de pèlerins : juifs, musulmans et chrétiens pouvaient s’y rendre et y accomplir leurs devoirs religieux. La dimension sainte de cette terre ne disparaîtra jamais, même quand l’affrontement prendra un caractère national, qu’on l’interprète comme la lutte du peuple juif pour retourner dans sa patrie, y compris en affrontant parfois l’empire britannique à partir du début des années 1940, ou comme une lutte anticoloniale des Palestiniens contre les Britanniques et l’immigration sioniste. Elle servira toujours, avec plus ou moins de force suivant les périodes, à alimenter l’imaginaire des uns et des autres, à conforter leur mobilisation. Ni le Vietnam, ni l’Afrique du Sud n’ont jamais mis en mouvement un tel héritage culturel et religieux dans l’inconscient collectif des mouvements et des personnes qui se sont mobilisées pour leur cause.
Le génocide des juifs :
A la croisée du religieux, du politique et de l’histoire, la persécution des juifs et le génocide perpétré durant la seconde guerre mondiale marqueront l’histoire de la Palestine, mais de manière différenciée selon les époques. Jusqu’à la fin des années 1920, le mouvement d’émigration juive en Palestine reste limité, et le sionisme, très minoritaire parmi les juifs du monde, est un échec. Deux éléments vont inverser le cours de l’histoire : la fermeture des Etats-Unis, et en partie de l’Europe de l’Ouest, à l’immigration ; la marche des nazis vers le pouvoir et l’antisémitisme de plus en plus militant en Allemagne et en Europe orientale. Le nombre des juifs cherchant asile en Palestine s’accroît d’autant plus que tous les autres pays leur sont fermés.
La période 1936-1939 représente le grand tournant en Terre sainte : la révolte palestinienne est écrasée ; le mouvement sioniste, renforcé par un grand nombre d’émigrants européens, se dote de puissantes milices et achève la transformation du Yichouv, la communauté juive en Palestine, en quasi-Etat, avec ses institutions, son économie, ses partis, son armée, etc. C’est de ce moment que date la véritable naissance d’Israël et la transformation du problème juif : le judaïsme fut, au XIXe siècle, la négation du nationalisme européen ; le sionisme transforme, par la colonisation de la Palestine, les juifs du Yichouv en communauté nationale dans laquelle vont se reconnaître et s’identifier nombre d’Européens. Cette sympathie se manifeste déjà dans les années 1920 parmi des journalistes et des intellectuels, fascinés par la réussite d’un projet colonial, lire par exemple, Joseph Kessel, Terre d’amour, 1927.
Le génocide perpétré durant la seconde guerre mondiale ne joue pas un rôle majeur dans l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies du plan de partage de la Palestine le 29 novembre 1947. S’il alimente, bien évidemment, la sympathie dans les opinions publiques du Nord à l’égard du jeune Etat, il n’a pas encore conquis la place centrale qu’il occupera à partir de la fin des années 1960 : d’un côté, les dirigeants d’Israël veulent donner une image de juifs combattants à l’opposé de ceux qui se sont laissé conduire à l’abattoir ; de l’autre, les juifs sont considérés comme des victimes du nazisme au même titre que les déportés politiques ou les Tsiganes.
1962 et le procès Eichmann, 1967 et la guerre de juin, les années 1970 et la découverte de la collaboration en France et en Europe donneront une dimension nouvelle au génocide et influeront de manière importante sur la perception du conflit israélo-palestinien et, aussi, sur sa mondialisation.
Un cadre international bouleversé, une place nouvelle de la Palestine :
C’est sur cet arrière-fond historique, stratégique et religieux que la Palestine va s’imposer, à partir des années 1990, puis surtout après l’éclatement de la seconde Intifada en novembre 2000, sur la scène mondiale. Le conflit acquiert une place nouvelle, une dimension qu’il n’avait sûrement pas dans les années 1970 ou 1980, où, au mieux, on le considérait comme une lutte parmi d’autres, au pire, comme une simple extension d’un mouvement nationaliste arabe peu fréquentable. La mobilisation de quelques groupes d’extrême gauche européens en faveur des Palestiniens après 1967, limitée par le poids de la question juive et par la découverte par l’Europe de la spécificité du génocide et de la responsabilité des Etats européens dans son accomplissement -la traduction du livre de Robert Paxton La France de Vichy date de 1973– s’inscrit plutôt dans la solidarité mondiale anti-impérialiste et dans le grand rêve de révolution mondiale. Pour Jean Genet, dans Un captif amoureux, la Palestine était au cœur d’une révolution grandiose en forme de bouquet d’artifice, un incendie sautant de banque en banque, d’opéra en opéra, de prison en palais de justice.
La situation a désormais changé. Comme avant elle le Vietnam ou l’Afrique du Sud, la Palestine dévoile la réalité des relations internationales. Celles-ci sont marquées par la domination occidentale sur le monde et sa contestation de plus en plus forte. Une période de deux siècles marquée par la conquête européenne du monde est en train de s’achever.
La scène internationale a été bouleversée par la disparition de l’URSS qui mit un terme à toute idée d’inscrire la lutte autour de la Palestine et d’Israël dans le champ de la guerre froide – de toute façon, même si, depuis 1967, le camp socialiste a appuyé les Arabes et les Etats-Unis Israël, le conflit a toujours été à l’étroit dans la grille Est-Ouest. La période de l’après-1990 fut aussi marquée par l’affirmation des Etats-Unis comme unique super-puissance. Francis Fukuyama parle même de la fin de l’histoire et la victoire sans retour du modèle libéral démocratique. Vingt ans plus tard, avec l’enlisement américain en Irak et en Afghanistan, et la crise économique et financière, la dynamique mondiale est marquée par l’essoufflement de la domination occidentale. L’ancien ordre international est contesté tant par l’affirmation sur la scène mondiale de la Chine, du Brésil, de l’Inde et de nombreux pays naguère dominés qu’à travers les luttes altermondialistes et celles de nombre de mouvements contestataires. Cette insurrection contre l’ordre ancien ne concerne pas seulement le domaine de la politique ou de l’économie, mais aussi ceux de la culture, de l’histoire. C’est tout un récit de l’histoire du monde qui est remis en cause, un récit dans lequel l’Europe et les Etats-Unis occupaient jusque-là une place prépondérante tandis que les pays du tiers-monde étaient relégués dans une sorte d’antichambre. Parallèlement se renforce l’idée d’un « choc des civilisations », d’une « menace islamique ».
D’autre part, c’est le moment où les images du Proche-Orient submergent les écrans de télévision du monde. Nous en savons bien plus sur cet affrontement, aussi bien en Europe que dans le reste du monde, que sur n’importe quel autre. Même si chacun n’en maîtrise évidemment pas les tenants et les aboutissants, chacun a lu ou entendu mille et une analyses, vu mille et un reportages. La révolution technologique de la fin des années 1980, avec le numérique et les chaînes de télévision d’information en direct, permet aux téléspectateurs de vivre de plain-pied dans l’actualité. Le monopole de CNN durant la première guerre du Golfe -1990-1991- ayant été battu en brèche par les chaînes satellitaires arabes, et surtout par la plus célèbre d’entre elles, Al-Jazira, et l’utilisation par des individus sur le terrain de portables et de caméras vidéos se généralisant, plusieurs récits s’entendent désormais sur la scène mondiale, pour la première fois depuis l’effondrement de l’URSS et la disparition du camp socialiste. Et le récit d’Al-Jazira et des autres chaînes du Sud a d’autant plus d’impact que ces médias répondent aux critères occidentaux de professionnalisme.
Enfin, la présence, aussi bien en Europe qu’en Amérique latine, et même aux Etats-Unis, d’importantes immigrations arabes et musulmanes, qui voient dans les Palestiniens la « métaphore » de leur propre situation, et le rôle des communautés juives, en majorité ralliées à Israël et à sa politique, à travers le monde contribuent à la mondialisation des polémiques.
La Palestine mêle évidemment nombre de dimensions. Trois d’entre elles expliquent sa place centrale : la redécouverte d’une histoire longtemps occultée de domination coloniale ; l’injustice maintenue et la violation permanente du droit international ; le deux poids, deux mesures appliqué par les gouvernements et par nombre d’intellectuels occidentaux dans leur lecture du conflit. Au croisement de l’Orient et de l’Occident, du Sud et du Nord, la Palestine symbolise à la fois le monde ancien et la gestation du monde nouveau.
Très longtemps, l’histoire dominante du choc proche-oriental se résuma au miracle que représentait la création d’un Etat juif en Palestine, le retour de ce peuple sur sa terre, dont il avait été chassé il y a deux mille ans, un peuple sans terre pour une terre sans peuple, le désert transformé en verger, le socialisme des kibboutz. La guerre de 1948-1949 passa pour le combat héroïque de David contre Goliath : des soldats moins nombreux et moins bien équipés, dont certains étaient des rescapés du génocide des juifs en Europe, résistaient à l’assaut des armées arabes coalisées. Personne n’avait vu, au sens propre du terme, l’expulsion de centaines de milliers de Palestiniens. Lire Comment Israël expulsa les Palestiniens -1947-1949-, de Dominique Vidal.
Il fallut plusieurs décennies pour que, grâce notamment aux nouveaux historiens israéliens, le récit fait par les Palestiniens de la guerre de 1948-1949 et de leur expulsion massive, devienne enfin audible au-delà du monde arabe. Ce retour du refoulé coïncidait avec un mouvement, perceptible dans tous les pays anciennement colonisés, pour réécrire une histoire jusque-là rédigée à travers des grilles d’interprétation occidentales. Ce qui se joue aussi en Palestine, c’est l’interprétation de l’histoire mondiale des XIXe et XXe siècles, de la politique coloniale et de ses conséquences sur le monde.
Deuxième dimension, la permanence d’une injustice politique qui, partout ailleurs sur la planète, a été, au moins en partie, réparée. L’immense majorité des peuples ayant accédé à l’indépendance, les derniers, Afrique portugaise, Afrique du Sud, Namibie, Timor, dans les années 1970-1990, la colonisation a disparu de la surface de la Terre. La Palestine rappelle que le colonialisme a marqué pour longtemps l’histoire contemporaine et que même sa fin politique ne signifie pas qu’il s’est simplement évanoui, ni que les injustices qu’il a provoquées se sont effacées. Il est une page que l’on ne peut pas purement et simplement tourner. Et, contrairement aux Indiens d’Amérique ou aux populations autochtones d’Australie ou de Nouvelle-Zélande, les Palestiniens maintiennent une présence forte et massive sur leur territoire national ou autour de lui, et exercent donc une pression par leur seule présence, qui n’est pas près de disparaître, quels que soient les aléas de leur lutte.
Enfin, troisième facteur, le deux poids, deux mesures appliqué par les Etats-Unis et l’Europe, non seulement par les gouvernements, mais aussi par nombre d’intellectuels. On entend souvent l’argument selon lequel l’analyse du heurt israélo-palestinien obéirait à des règles différentes, qu’Israël serait jugé selon des lois distinctes. Cela est en partie vrai, mais pas dans le sens que lui attribuent certains. Quel autre exemple d’occupation condamnée depuis plus de quarante ans par les Nations unies et qui perdure ? Quel autre exemple d’occupation où la puissance conquérante peut installer près de 500 000 colons dans les territoires occupés, ce qui, en droit, constitue un crime de guerre, sans que la communauté internationale prenne aucune sanction ? Quel autre exemple d’une puissance qui déclenche une agression comme celle de Gaza en décembre 2008, affirme ouvertement qu’elle a recours à des moyens disproportionnés, qui commet des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ? Imaginons un moment que la Serbie se déclare Etat des Serbes : que dirait la communauté internationale face à l’exclusion de toutes les minorités ethniques de cet Etat ? Or Israël se proclame Etat juif et met de facto à l’écart plus de 15 %, sans compter les Arabes de Jérusalem, de sa population, tout en leur accordant le droit de vote.
Une remarque importante à ce stade. Si d’autres conflits, même plus meurtriers, ne suscitent pas un tel intérêt, que ce soit la guerre au Congo et ses millions de morts ou le conflit du Sri Lanka , c’est qu’ils ne se situent pas à ce carrefour des relations entre le Nord et le Sud qui est au cœur de l’histoire depuis le début du XIXe siècle.
Il est vrai que nombre d’Etats arabes, ou autres, qui défendent verbalement les Palestiniens, n’ont pas hésité à les massacrer, que leurs régimes sont autoritaires ou dictatoriaux et qu’ils manipulent la cause palestinienne pour détourner leurs opinions des nécessaires réformes internes. Ils ne sont pas les mieux qualifiés pour se présenter en champions de la cause palestinienne. Mais la justesse de celle-ci ne dépend pas de la qualité de ses défenseurs : l’apartheid était condamné par tous les gouvernements africains, dont certains étaient bien peu recommandables. Il n’en demeure pas moins que la Palestine est une injustice flagrante. Et c’est ce sentiment d’injustice qui anime les mouvements de solidarité à travers le monde.
En réalité, et sous couvert du génocide, l’Occident refuse d’appliquer à ce conflit les mêmes règles d’analyse que celles qu’il applique en général. Ailleurs, on se réclamera du droit international, des droits humains, du droit de la presse et des journalistes de couvrir les guerres, de la nécessaire proportionnalité des actions. Les exactions serbes contre les Kosovars, souvent réelles, parfois inventées, peuvent servir à justifier une intervention militaire de l’OTAN contre la Serbie. Le comportement de la Russie contre les Tchétchènes est à juste titre condamné, et aucune action terroriste menée par les rebelles à Moscou ou ailleurs ne dédouane l’ex-Armée rouge. Mais que la quatrième, ou troisième armée du monde s’attaque au territoire minuscule de Gaza sur lequel s’entassent plus de 1,5 million de personnes, qu’elle bombarde des écoles, tue des centaines de civils, détruise les infrastructures, et alors les gouvernements occidentaux et certains intellectuels trouvent des excuses et des justifications à ce qui relève de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Choc de civilisation ou enjeu politique ?
Cette lecture politique s’oppose à une autre, qui verrait la Palestine au coeœur d'’un affrontement entre le monde judéo-chrétien et l’islam ou un simple prétexte à l’éternel antisémitisme. La vision d’une guerre de civilisation, des protagonistes des deux côtés la partagent, un type de déformation qui n’est pas nouveau : au temps de la guerre froide, la guerre du Vietnam et même la lutte en Afrique du Sud étaient vues, par certains, comme un avatar du choc entre l’Est et l’Occident. M. Nelson Mandela, aujourd’hui porté aux nues, passait pour un terroriste, et même Amnesty International refusait de l’adopter comme prisonnier de conscience car il prônait la lutte armée. La crainte du communisme agissait alors comme un frein à la solidarité, mais de manière moins puissante que celle de l’islamisme politique.
Désormais on agite deux épouvantails, la peur d’un retour de l’islam et la résurgence de l’antisémitisme.
La place occupée par le Hamas, et aussi par le Hezbollah, dans la résistance paralyse bien des bonnes volontés en Occident. Il peut sembler, après coup, qu’il était plus facile d’être solidaire du Vietnam – malgré le rôle central des communistes – que de Palestiniens, dont un nombre important se reconnaissent dans un mouvement islamiste. On peut rétorquer que, dans l’histoire, la religion a inspiré nombre de mouvements anticoloniaux. C’est au nom de l’islam que le Mahdi, incontestablement un réactionnaire, mena la révolte au Soudan contre la présence britannique à la fin du XIXe siècle. Fallait-il, parce que le Royaume-Uni était un pays démocratique et se réclamait des Lumières, dénoncer cette révolte réactionnaire ? Sans revenir sur la complexité et la diversité des formations islamistes, croit-on vraiment que, s’ils gagnent, ils imposeront des régimes plus répressifs que ceux de l’Algérie, de l’Irak ou de la Syrie laïques, ou encore de l’Egypte ? Le droit à la résistance contre l’oppression étrangère est un droit universel reconnu à tous les peuples : l’Occident n’a aucun droit à l’accepter pour les uns et à le refuser pour les autres. Et si la religion n’était que l’habit emprunté actuellement par le mouvement de résistance à l’injustice ?
Cela n’empêche pas de rester attentif à l’avenir, à ne pas se bander les yeux et à appuyer tous ceux qui veulent construire demain une société palestinienne plus démocratique, plus juste. La seule volonté de mettre un terme à l’injustice ne garantit pas, l’histoire l’a prouvé, la construction d’une société démocratique.
Le poids de la Shoah est, en Occident, énorme. Certains, notamment dans l’aire musulmane, estiment que ce génocide est purement et simplement instrumentalisé, manipulé, voire qu’il n’a pas eu lieu, ou n’a pas eu la dimension que l’historiographie lui accorde. Pour nombre de forces au Nord, au contraire, il est un événement marquant de l’histoire européenne, et toute tentative de le minimiser est condamnable. Peut-on dépasser ces divergences ?
L’historien israélien Tom Segev résume les deux leçons contradictoires que la société israélienne peut tirer du génocide des juifs :
1) personne n’a le droit de rappeler aux Israéliens des impératifs moraux tels que le respect des droits de l’homme, car les juifs ont trop souffert et les gouvernements étrangers ont été incapables de leur venir en aide ;
2) on peut, au contraire, penser que le génocide somme chacun de préserver la démocratie, de combattre le racisme, de défendre les droits de l’homme. Et donc de défendre aujourd’hui les Palestiniens… Pourtant, la sensibilité au Nord et au Sud ne sera jamais la même, que ce soit sur les formes de lutte, le terrorisme, la légitimité d’Israël, le contenu d’une solution politique, etc.
Dans ce combat, la lutte contre l’antisémitisme est importante. Elle est rendue plus difficile par l’identification à laquelle on assiste, des deux côtés, entre Israël et les juifs. Quand Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France, le CRIF, déclare, à propos de l’offensive israélienne contre Gaza : Je peux vous affirmer que 95 % de la communauté juive de France est en accord avec la politique d’Israël et avec ce qu’entreprend son armée , le journaliste Jean-François Kahn a raison de dire que cette phrase devrait valoir à son auteur une poursuite devant les tribunaux pour antisémitisme. Quand des prêcheurs musulmans dénoncent les juifs et leur mainmise sur le monde, en se référant aux Protocoles des sages de Sion, ils relèvent d’une démarche similaire. Lutter contre ces amalgames, contre toutes les formes de racisme, à l’encontre des juifs ou des Arabes, contre toute idée de choc des civilisations , est l’un des enjeux des années à venir.
Certains affirment que la seule solution reste la création d’un État palestinien aux côtés de l’état d’Israël. D’autres assurent que la colonisation massive de la Cisjordanie et de Jérusalem rend ce dénouement illusoire et prônent un État binational où les deux nationalités, arabe-palestinienne et juive-israélienne, jouiraient de droits équivalents. D’autres encore évoquent le modèle sud-africain, un État de tous ses citoyens : un homme, une femme, une voix. Quoi qu’il en soit, il est difficile d’imaginer une solution sans adhésion d’une majorité de la population présente aujourd’hui sur le territoire de la Palestine historique. Il faut rappeler que la fin de l’apartheid n’a été possible que parce que le Congrès national africain l'ANC, a été capable de formuler un projet pour tous les citoyens de l’Afrique du Sud et de les unir, Noirs, métis et Blancs dans le combat.
Alain Gresh, Le Monde Diplomatique du 23 mars 2009.
En hommage à Malmud Darwish
Mahmud Darwish avait sept ans et vivait au village galiléen de Barwa, proche de Saint-Jean-d'Acre. Avec sa famille, en 1948, lors de la guerre d'indépendance israélienne, il s'enfuit au Sud Liban, le temps que passe la tourmente, et que, croit-on, les troupes arabes coalisées reprennent possession du pays par leur guerre de libération à eux.
La défaite arabe a permis la poursuite de l'implantation israélienne. La fuite du petit Mahmud et des siens se fige en un statut international, un statut de réfugié, un statut d'attente à durée indéterminée. Mais la famille Darwish rentre au pays clandestinement, par la montagne et constate avec stupeur la présence des nouveaux maîtres venus de partout par la magie du livre antique, par la force du sabre et de la Torah. 30 000 de mai à juillet 1948, et 687 000 de fin 1948 jusqu'à fin 1951, tandis que, des 800 000 arabes de 1947, il n'en reste, fin 1948, que 170 000. L'enfant Darwish apprend à être réfugié non plus hors de son pays, mais dans son pays qui n'est plus le sien. Il découvre que Barwa n'existe plus et a été remplacé par des champs plantés d'arbre. Cette malchance a touché 385 villages arabes sur les 475 d'avant la nakba. Les zones à population arabe sont soumises à une administration particulière, le Gouvernement militaire, qui permet d'assigner à résidence, de décréter le couvre-feu collectif ou individuel, d'interdire ou d'accorder les déplacements, de délimiter des zones de sécurité. Il s'agit des lois que les britanniques avaient mis en place pour lutter contre le terrorisme des groupes sionistes extrêmes en 1945-1948 et qui, désormais, s'appliquent aux israéliens arabes considérés, non sans raison il est vrai, comme terroristes potentiels. Ce lois existent toujours et se ont même enrichis de nouveaux articles appliqués à l'administration des nouveaux territoires lors de la guerre des six jours en juin 1967.
De tout cela Darwish nous parle. Il ne combat pas avec un fusil, mais par l'écriture, des mots pour lutter contre les maux. Il se fait discret au sujet des chefs de la résistance. Pour lui il n'y a pas de cohabitation possible entre ceux de l'attente, le palestinien et ceux de la montée, les israéliens et en arrive à un constat de désespoir.
Tu voudrais faire un voyage en Grèce ? Demande donc un passeport et tu découvriras que tu n'es pas citoyen du pays parce-que ton père ou l'un des tiens, s'est enfui avec toi, tout enfant, au cours de la guerre de Palestine. Eh oui, tout arabe qui a alors quitter son pays pour y revenir après clandestinement a perdu sa nationalité.
La police française ne comprend pas : Ton permis de voyage stipule que tu avais une nationalité non définie. Tu es arabe né en Palestine et tu vis en Israël, donc statut non défini.
Comment être palestinien quand la Palestine n'existe pas.
Le drapeau palestinien flotte sur un groupe de jeunes garçons et filles venant de tous les coins de l'exil, il représente la lutte pour la dignité et l'espoir.
Le drapeau israélien flotte sur un groupe de jeunes garçons et filles, israéliens de gauche, venant d'Israël.
Tu n'allas point, au cours de ce congrès international de la jeunesse, rencontrer le gardien du drapeau palestinien, ni celui du drapeau des israéliens de gauche.
Être palestinien et israélien a-t-il un sens, est-ce possible.
Les conquérants font des enfants, les vaincus aussi, quelle différence entre la naissance de Mahmoud et celle de Yisraël en un même lieu.
Nous attendions d'un jour à l'autre, l'annonce de la victoire des troupes des pays arabes. Grand père nous lisait, à haute voix, les journaux qui, tous, promettaient un prompt retour. Puis ce fut : mieux vaut attendre encore un peu. Petit à petit sa voix s'éraillait, c'était l'hiver.
Selon les israéliens, la fuite des Arabes prouve leur manque d'attachement patriotique et qu'ils ne méritaient pas un pays si légèrement abandonné. Vider la Palestine des Arabes répondait au plan de guerre des sionistes.
Grand-père faisait acte politique en s'agrippant à sa terre. Il aurait pu la vendre, sa terre, et s'assurer ainsi une vie décente, mais il préféra, pour l'honneur, par militantisme, les privations. Une fois confisquée, elle lui devenait source de misère alimentaire, mais aussi d'honneur personnel et national. Je ne leur vendrai pas ma terre ! Plutôt crever de faim !
Quelqu'un s'est levé et, se tournant vers moi : Tu ne connais pas les arabes toi ! Si tu les connaissais, tu n'aurais pas parlé de justice ou d'injustice à leur égard comme tu l'as fait. Je lui ai demandé de s'expliquer, il a froncé les sourcils, m'a fixé, m'a demandé si je connaissais un village nommé Barwa. Non dis-je. Où est-ce ? Il dit : Tu ne le retrouveras pas sur toute la surface du pays. Nous l'avons dynamité, rasé, nettoyé, labouré et fossilisé sous les plantations ! Pour cacher votre crime ? Pour cacher son crime, le salaud de village ! Quel fut donc son crime ? Il nous a résisté, il nous a fait la guerre, nous a causé pas mal de pertes, et nous avons dû le réduire par deux fois. La première fois, nous y dinions, le thé était brûlant, et voilà les villageois qui nous prennent à l'improviste et réoccupent le village ! Comment accepter pareille humiliation ? Tu ne connais pas les arabes toi, je te le dis.
Je lui apprends alors que je suis arabe et que Barwa était mon village.
Quand mon grand-père eut compris que la guerre s'était soldée par un écroulement total, quand il eut compris que les vignes plantées de ses mains étaient vendangées par des juifs et que, pour lui, elles ne procureraient qu'une carte de réfugiés, alors il se prit à regretter d'avoir quitté le pays.
Au lieu d'être réfugié au Liban nous devenions réfugiés dans notre propre pays. Les vainqueurs ont trouvé pour nous le nom de : « Absent présent », (abents avant le 1er septembre 1948), afin que nous n'ayons plus aucun droit. Or, des milliers de familles avaient été transportées de force dans des camions militaires israéliens qui les éjectaient aux frontières comme on se défait d'un véhicule hors d'usage.
Il évoque le célèbre dialogue entre Ben Gourion et un intellectuel arabe en 1936 au temps où la Palestine n'était encore qu'un rêve sioniste. Ben Gourion, pour définir la patrie historique, répondit qu'elle était la région ouverte à la colonisation juive.
- Quelle est cette région ?
- Eretz, « la Terre d'Israël »
- Quelles en ont les frontières ?
- Pour connaitre les frontières de la « Terre d'Israël » il suffit de consulter l'histoire.
- Permettez ! Une frontière n'est jamais qu'une convention : aujourd'hui elle passe ici, demain là-bas.
- Eh bien ! « La terre d'Israël » est le territoire qui va de la Méditerranée à l'ouest, au désert à l'est, au Sinaï au sud et aux sources du Jourdain au nord.
- Vous y incluez donc aussi la Tranjordanie ?
- Naturellement. Le Jourdain n'est pas une frontière de la « Terre d'Israël », mais son fleuve intérieur.
- Permettez ! Ce territoire est arabe, nous y avons nos droits entiers de souveraineté.
- Longtemps avant vous, nous étions sur la Terre d'Israël, et voici venue le retour dans notre patrie.
« Je sais que Dieu, avait déjà dit Chaïm Weizmann, a promis aux fils d'Israël la Terre d'Israël, mais j'ignore quelles frontières le Seigneur a fixées ». À cette époque, les Arabes riaient par millions, à gorges déployées, des rêves de Weizmann et de Ben Gourion. Eh bien ! Considérez aujourd'hui « les frontières mystérieuses » que « le Seigneur a fixées », et voyez comme elles ont débordé le territoire de la Palestine, et combien la réalité israélienne dépasse et le rêve sioniste et l'histoire juive !
Les fenêtres de Jérusalem ne donnent sur rien. Sur rien qui pour moi ait un sens.
Une fille soldat m'arrêta dans une de mes marches :
- Montre-moi ta grenade et tes prières !
- Mille pardons, jeune fille, je ne fais pas la guerre et je ne fais pas de prières.
- Pourquoi donc es-tu venu à Jérusalem ?
- Pour y passer au travers des grenades et des prières, traces de guerre à droite, traces de Dieu à gauche ! Seulement je ne fais ni la guerre, moi, ni les prières !
- Qui es-tu donc ?
- Un billet de loterie, je suis, au travers des grenades et des prières !
- Qu'en feras-tu ? Si tu gagnais, dis-moi qu'en ferais-tu ?
- J'achèterais à ma bien-aimée de la couleur pour ses cils et ses paupières !
Et la fille soldat, me croyant poète, me laissa aller mon chemin.
Mais pourquoi, pourquoi donc suis-je venu à Jérusalem ?
À Gaza, voyez-vous, le temps n'est pas à la détente, mais à l'affrontement. En plein midi on y brule. Car à Gaza, les valeurs sont tout autres, tout à fait autres que les nôtres. Au fait, la seule valeur de l'homme réduit par une conquête, n'est-elle pas sa force de résistance à l'occupation ? Or c'est à cela seul que l'on s'exerce, là-bas à Gaza ! Elle s'est accoutumée à cette seule et grande et dure valeur, point apprise dans des livres ou dans des cours accélérés, ni aux trompettes et aux grosses caisses des propagandes, ni au son des hymnes patriotiques ! Toute seule, par sa propre expérience et par son labeur, pas pour la « montre », pas pour la parade ! Non, Gaza n'a pas de quoi se vanter de ses Armées, ou de sa Révolution, ou de son Budget. Elle n'a à exposer que ses chairs puantes et volontairement, elle répand son sang. Gaza, savez-vous, n'est pas douée pour les discours, son pharynx ne vaut rien, c'est par les pores de sa peau qu'elle crie sang et eau et feu !
Aussi ses proches et ses amis l'aiment-ils, avec jalousie, avec effroi ! Car Gaza, c'est la leçon sauvage, c'est l'étendard levé devant tous, indistinctement, ennemis ou amis ! Elle n'est point la plus belle des cités. Elle n'est pas non plus la plus délicate ni la plus imposante, mais elle vaut le poids d'or de l'histoire d'une nation entière. Comme nous serions méchants si nous cherchions chez elle des poèmes ! Comme nous serions méchants si nous en faisions une ville mythique ! Nous la haïrions trop quand nous la verrions, si petite et si pauvre ! Comme nous serions méchants si nous la portions aux nues. Nous serions à l'attendre. Or Gaza ne viendra pas à nous. Gaza ne nous sauvera pas, elle n'a ni cavalerie, ni avions, ni baguette magique, ni bureaux dans les capitales. Pas d'énigme dans le secret de la résistance. Elle est populaire, voilà tout.
Quand se présente au monde l'exclu du monde
Auprès de la Méditerranée, les semelles militaires made in occident, ne cessent de piétiner tout à la fois l'antique civilisation et l'homme nouveau. En deux occasions seulement le monde se souvient de moi : Lorsque j'expérimente en moi la mort, ou lorsque j'expérimente la vie. Or voici que j'avais trépassé un quart de siècle plus tôt.
- En quoi mon histoire te regarde-t-elle, Monde ? Quel sens a-t-elle pour toi ?
- Hum ! L'histoire c'est le passé tel que je l'enseigne dans mes instituts.
- Et quand m'as-tu vu pour la première fois ?
- Je te vis sur le sol de Palestine tout le temps que tu ne l'as pas quitté. Après quoi, paix et sérénité ont repris possession de la Terre. Mais que te prend-il ces jours ci à te présenter à nous de nouveau ? Tu romps notre sérénité.
Quel serait le discours du monde si les indiens d'Amérique s'étaient retournés victorieusement contre leurs conquérants ? Ceux qui vantent leur développement et leur civilisation sont, en règle générale, de assassins et des criminels. Les Etats ont le droit de mettre à mort leur peuple et ceux d'à côté, mais pas question qu'un individu, un peuple ose tuer pour obtenir sa liberté. Celui qui m'a transformé en réfugié c'est lui qui m'a transformé en bombe. Point à la ligne. Que faire d'un désespoir ? Désespoir égale mort. Je sais que je vais mourir. Je sais que je livre aujourd'hui une bataille perdue d'avance et c'est celle de mon avenir. Je sais que la Palestine est, sur la carte, très loin de moi. Je sais qu'oubliant son nom, vous avez utilisé une traduction antique.
Yasser ARAFAT
Officiellement Yasser Arafat est né au Caire le 24 août 1929. Sixième d'une famille de sept enfants, son père est un commerçant originaire de Gaza et sa mère est originaire de Jérusalem. Cependant, il a toujours affirmé être né à Jérusalem le 4 août 1929. Après le décès de sa mère, alors qu'il a cinq ans, il passe une partie de son enfance avec son frère, Fathy, qui deviendra plus tard président du Croissant Rouge Palestinien, à Jérusalem chez un de ses oncles maternels, dans le quartier marocain de la vieille ville. Ce quartier depuis a été rasé par Israël pour réaliser la grande esplanade qui sert aujourd'hui de lieu de prière devant le mur des lamentations. Lorsque son père se marie pour la deuxième fois, il le fait rentrer au Caire où sa sour aînée s'occupe de lui. En tant que natif du Caire, il bénéficie de l'enseignement gratuit des écoles égyptiennes, il y passe la plus grande partie de son enfance et de son adolescence avec ses six frères et sours, à vendre des fallafels au souk.
Lutte politique en Égypte
Au cours de ses études universitaires, il suit une formation d'officiers de réserve. Il ne manque pas une seule fois son cours et obtient le certificat d'officier de réserve. De 1952 à 1956, il est président de l'Union Générale des Etudiants de Palestine. Il édite le magazine La Voix de la Palestine. Le père d'Arafat meurt en 1952, mais Yasser n'assiste pas à ses funérailles: la sévérité de ce dernier avec ses enfants, ses mariages répétés et son expulsion à Gaza ont en effet contribué à l'éloigner de son fils. Yasser Arafat, qui considère que la monarchie égyptienne est corrompue, s'éloigne bientôt des Frères pour se rapprocher des officiers libres égyptiens, Naguib, Nasser, Sadate, qui préparent en secret le renversement de celle-ci, et qui accèdent au pouvoir en juillet 1952. En octobre 1955, il est arrêté pendant quelques jours lors de la liquidation par le président Gamal Abdel Nasser de l'organisation des Frères musulmans qui s'opposent à sa politique. Durant la crise du canal de Suez, il sert dans l'armée égyptienne avec le grade de sous-lieutenant. Il s'éloigne peu à peu des dirigeants arabes qu'il estime incapables de libérer la Palestine. Il rencontre ceux qui fonderont le Fatah avec lui, et deviendront ses adjoints à la direction de l'OLP.
Création du Fatah
Après plusieurs arrestations pour ses activités politiques en Égypte, Yasser Arafat s'installe dans l'émirat du Koweït qui est à l'époque un protectorat britannique et où de nombreux Palestiniens se sont établis. Arafat y travaille comme ingénieur des travaux publics à la municipalité de Koweït city, avant de créer sa propre entreprise de travaux publics. Il décide que les bénéfices générés par celle-ci lui serviront à financer l'organisation politique qu'il veut créer qu'il baptise Fatah, la conquête. Il adopte le nom de guerre d'Abou Ammar. Ce nouveau parti a pour but l'établissement d'un Etat palestinien de la Méditerranée au Jourdain. Il met en avant l'idée que la libération de la Palestine est avant tout l'affaire des Palestiniens, et ne saurait être confiée aux régimes arabes ou rapportée à une problématique d'unité arabe. Cette doctrine est, à l'époque de Nasser et du panarabisme triomphant, quasiment hérétique. En 1959, il fonde le journal Notre Palestine qui préconise la lutte armée contre Israël. Arafat, qui cherche à donner une certaine légitimité à son organisation, contacte les gouvernements arabes. En 1965, il ouvre un bureau à Alger.
Création de l'OLP
En avril 1964, à Jérusalem-Est alors sous contrôle jordanien, le Conseil national palestinien se réunit à l'hôtel Intercontinental, situé en haut du mont des Oliviers et adopte la Charte de l'OLP qui définit les objectifs nationalistes palestiniens. Un mois plus tard, la Ligue arabe se réunit à l'instigation de Nasser pour créer l'Organisation de libération de la Palestine. Celle-ci a pour but de combattre l'État israélien. Sa branche politique est le Fatah. Quant à son bras militaire, l'Armée de libération de la Palestine, il est placé sous le commandement des différentes armées arabes cela sous l'autorité de Nasser. La même année, Yasser Arafat rencontre le pape Paul VI alors que le Vatican ne reconnaissait pas encore l'État d'Israël. C'est à la fin de 1964 que commencent les premières opérations militaires. Jusqu'à la guerre des Six Jours, la branche armée du Fatah mène une centaine de raids.
La guerre des Six Jours
Elle change la donne géopolitique au Proche-Orient et constitue le véritable point de départ de la carrière de Yasser Arafat. L'Égypte, la Syrie et la Jordanie sont défaites par Israël qui conquiert Jérusalem-Est, la Cisjordanie et la bande de Gaza, mais aussi le Sinaï égyptiens et le Golan syrien. Le 17 juillet 1968, la charte de l'OLP est modifiée avec l'ajout de 7 nouveaux articles suite à la guerre de 1967 et devient la Charte nationale palestinienne, adoptée au Caire qui déclare le territoire de la Palestine mandataire comme indivisible et comme la patrie du peuple arabe palestinien. Cette charte est considérée par Israël comme une véritable déclaration de guerre, car elle définit le but de l'organisation dans l'anéantissement de l'État d'Israël par la lutte armée en lui niant toute légitimité d'existence.
Présidence de l'OLP
Le 4 février 1969, durant le Congrès national palestinien, il en est nommé président du comité exécutif de l'OLP. Une délégation du Fatah est acceptée en France, qui devient ainsi le premier pays non arabe à accepter une représentation permanente du mouvement.
Septembre noir en Jordanie
Suite à la guerre des six jours, des milliers de nouveaux réfugiés et des fédayins palestiniens se sont installés en Jordanie. Désormais la population palestinienne de ce pays est plus nombreuse que les jordaniens de souche. L'OLP déplace son quartier général de Damas à Amman. Suite au prestige croissant de l'OLP, les combattants palestiniens commencent à parcourir en arme les rues des villes jordaniennes ce qui provoque des heurts avec les forces jordaniennes. Petit à petit, le pays devient la base de la lutte armée palestinienne, les bases et les camps palestiniens deviennent un État dans l'État. À la suite du détournement de trois avions par quatre Palestiniens du FPLP et de leur destruction sur le sol jordanien à Zarqa, et surtout la tentative d'assassinat raté à son encontre, le roi Hussein ordonne, le 17 septembre 1970, le massacre de dizaines de milliers de Palestiniens, qu'ils soient fédayins ou civils. Cet épisode dramatique est connu sous le nom de Septembre noir. Arafat et ses partisans doivent fuir.
La nouvelle charte définie à Beyrouth prévoit de s'attaquer aux intérêts sionistes partout dans le monde, et de soulever la base libanaise aux côtés des Palestiniens. Les camps de réfugiés servent de bases d'entrainement militaire, et L'OLP commence des attaques d'artillerie et des infiltrations commando contre la frontière nord d'Israël, ou même des actions terroristes à l'étranger. L'armée libanaise tente en 1969 de reprendre le contrôle des camps, mais elle est trop faible. Un compromis est trouvé avec la signature au Caire sous l'égide de Nasser, en 1969, d'un accord entre Yasser Arafat, commandant de l'OLP et le commandant en chef de l'armée reconnaissant l'extraterritorialité des camps des fédayins.
Jeux Olympiques de Munich
En septembre 1972, huit Palestiniens du groupe Septembre noir pénètrent dans le village olympique, abattent deux membres de l'équipe israélienne et kidnappent neuf athlètes israéliens au cours des jeux Olympiques de Munich. Le commando palestinien réclame la libération de 200 de leurs compatriotes emprisonnés en Israël. Lors d'une tentative maladroite de libération des otages par la police allemande, une fusillade éclate, et tous les athlètes sont tués, par les preneurs d'otage, mais aussi par les tireurs d'élite de la police. La condamnation internationale du groupe Septembre noir a pour conséquence la distanciation du Fatah d'avec cette organisation. Le leader du commando qui a mené l'opération, indique dans un livre qu'il a publié en 1999 qu'Arafat avait été informé des plans de l'opération mais ajoute que l'intention n'avait jamais été de tuer les athlètes israéliens. On ne dispose d'aucune preuve qu'Arafat ait été personnellement impliqué dans les actions du groupe Septembre noir, mais pouvait il les faire cesser ?
1974, une année importante d'avancées en faveur d'un règlement politique.
- Le 14 mai 1974, l'ONU reconnaît l'OLP par 105 voix contre 4 comme représentant du peuple palestinien.
- Le 21 octobre 1974 à Beyrouth, il rencontre le ministre français des Affaires étrangères, qui devient ainsi le premier chef de diplomatie occidentale à le recevoir.
- Le 13 novembre 1974, Yasser Arafat fait un discours devant l'Assemblée générale des Nations unies. Il y définit le sionisme comme une idéologie raciste, impérialiste et colonialiste, il y justifie la cause palestinienne en la comparant aux luttes nationalistes d'autres peuples du monde, et il y défend l'idée d'un État unique démocratique où vivraient chrétiens, juifs et musulmans.
- Le 22 novembre 1974, l'OLP est admise comme membre observateur à l'ONU, faisant d'Arafat le premier représentant d'une organisation non gouvernementale à participer à une session plénière de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies.
- Le 26 octobre 1976, lors du 8e sommet arabe à Rabat, les chefs d'États arabes admettent l'OLP comme membre à part entière de la Ligue arabe. Cette résolution implique également l'obligation de tous les pays arabes de préserver l'unité palestinienne et de s'abstenir de toute ingérence dans les affaires palestiniennes.
Activisme palestinien et interventions israéliennes au Liban
A partir de 1975, la guerre civile fait rage au Liban, entre Chrétiens et Musulmans mais aussi entre Libanais et Palestiniens tandis que les forces militaires syriennes entrent dans le pays. Une Force Arabe de Dissuasion est mise en place. Des attaques palestiniennes contre le territoire israélien sont organisées depuis le Liban. Israël attend de son voisin qu'il assure sa sécurité en contrôlant l'activité des Palestiniens sur son territoire, mais le pays est trop faible pour résoudre le problème. C'est dans ce contexte qu'Israël intervient deux fois dans le pays du cèdre : en 1978 et plus largement, en 1982, dans l'opération Paix en Galilée. Arafat lance des appels dans les médias pour demander de l'aide aux pays arabes qui ne bougent pas. Même la Syrie avec laquelle il a élaboré un plan d'urgence en cas d'invasion israélienne signe une trêve unilatérale avec Israël qui occupe le sud du Liban au terme de l'opération. Au cours de cette seconde intervention, plus de 3000 civils palestiniens sont massacrés dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila par les milices chrétiennes avec la passivité d'Ariel Sharon, alors Ministre de la Défense d'Israël, et de Tsahal qui contrôle les camps.
En 1982, en pleine guerre du Liban, Arafat échappe à la mort en quittant, un quart d'heure avant l'explosion d'une bombe israélienne, un immeuble où il tenait une réunion. Il est forcé de quitter Beyrouth, assiégée par l'armée israélienne, le 30 août 1982, à bord d'un navire militaire français pour la Tunisie. Il installe son quartier général dans la ville de Borj Cédria tout près de Tunis où il vit constamment sur ses gardes. Il ne dort jamais plus d'une nuit au même endroit. Il accepte la dispersion de ses forces combattantes. Arafat évite la mort le 1er octobre 1985 lorsqu'un avion de chasse israélien F15 bombarde le siège de l'OLP à Tunis où devait se tenir un meeting entre les dirigeants du mouvement, meeting auquel Arafat arrive en retard. Le 7 octobre, un navire de croisière italien, le Achille Lauro, est détourné par 4 membres de l'OLP. Le 28 décembre 1985, d'autres commandos palestiniens attaquent les comptoirs aériens d'El Al dans les aéroports de Rome et de Vienne, faisant 15 morts civils. Malgré le renoncement au terrorisme de l'OLP en novembre 1985 au Caire, l'organisation est impliquée dans plus de 100 actes lors des deux années suivantes. En 1988, la première Intifada, ou révolte des pierres, éclate en Cisjordanie et sur la bande de Gaza. Dans le même temps, l'OLP reconnaît la résolution 181 de l'ONU de 1947 qui partage la Palestine en deux États, l'un juif, l'autre arabe, reconnaissant de facto l'existence de l'État israélien, et elle réaffirme sa condamnation du terrorisme. En 1989 se tient à Tunis le 5 ème congrès du Fatah en 30 ans d'existence, il faudra attendre 20 ans pour le 6 ème à Bethléem.
Ouverture diplomatique
Yasser Arafat s'engage alors dans une démarche diplomatique. Le 13 décembre 1988, devant l'Assemblée générale des Nations unies à Genève, il en appelle à une résolution pacifique du conflit israélo-arabe sur base des résolutions 181, 242 et 338 et rappelle le rejet par le Conseil national palestinien et par l'OLP de toute forme de terrorisme. Il précise le lendemain lors d'une conférence de presse que l'OLP reconnaissait la résolution 242, le droit à l'existence d'Israël et renonçait au terrorisme. Le président américain Ronald Reagan met fin aux treize années d'interdiction de discuter avec l'OLP en officialisant l'ouverture du dialogue avec l'organisation. Arafat rencontre le pape Jean-Paul II au Vatican, le 23 décembre 1988, et affiche par exemple sa dévotion envers Notre Seigneur Jésus-Christ , palestinien puisque né à Bethléem, qui est un mot hébraïque qui veut dire maison du pain, à la satisfaction de la minorité chrétienne palestinienne. Dès cette époque, il assiste à toutes les messes de Noël à Bethléem, sauf lorsque l'accès lui en est interdit par Israël à la fin de sa vie. Le 2 mai 1989, en visite officielle, pour la première fois à Paris, Arafat déclare caduque la charte de l'OLP qui affirmait que la lutte armée est la seule voie pour la libération de la Palestine. C'est la condition qu'avait mise François Mitterrand pour accepter de rencontrer le leader de l'OLP. Le 22 décembre 1989, plus de soixante sénateurs américains envoient une lettre au secrétaire d'État James Baker, pour s'opposer au visa d'entrée d'Arafat en visite au siège de l'ONU aux États-Unis.
Mariage
Arafat se marie avec sa secrétaire, Souha Tawil, de 34 ans sa cadette, le 17 juillet 1990. Ses proches n'apprécient pas cette union qu'ils trouvent incongrue. Il a souhaité garder le mariage secret car il coïncidait avec la guerre du Golfe et la première Intifada et il était inquiet des conséquences que cela pourrait entraîner. Ils ont ensemble une fille Zahwa, née à Paris le 2 juillet 1995. Depuis le début de la seconde Intifada, en 2000, toutes deux vivent à Paris.
L'alliance avec Saddam Hussein
En 1989, la désintégration de l'union soviétique entraîne une redistribution des alliances diplomatiques qui marginalise Arafat sur la scène internationale. De plus, le gouvernement russe autorise l'émigration vers Israël de plusieurs centaines de milliers de ses ressortissants d'origine juive. Cherchant une issue à son isolement, Yasser Arafat s'allie avec Saddam Hussein, et ne condamne pas l'invasion du Koweït par l'Irak en 1990, ce qui est perçu comme une trahison par le Koweït où vit une communauté de 300 000 palestiniens. Plusieurs États, comme l'Arabie saoudite et le Koweït, lui retirent alors leur soutien financier. Cette alliance vaut à Yasser Arafat, le ressentiment et la colère des monarchies pétrolières et des Américains. Il est paradoxalement sauvé par le nouveau gouvernement israélien, où la gauche arrive au pouvoir en 1992 avec Yitzhak Rabin et Shimon Peres.
Accident d'avion
En 1992, Arafat échappe à la mort lorsque son avion, un Antonov 26, s'écrase en Libye alors qu'il effectue la liaison Khartoum Tripoli. Les deux pilotes de l'avion du leader palestinien ainsi qu'un ingénieur trouvent la mort et Arafat souffre de quelques contusions.
Processus d'Oslo
Alors que le processus de paix entamé à la Conférence de Madrid de 1991 ne donnait aucun résultat, des négociations secrètes ont lieu à Oslo entre des membres de l'OLP et du gouvernement israélien. Le 13 septembre 1993, la Déclaration de Principes dite accords d'Oslo, est signée à la Maison Blanche sous l'égide du président Bill Clinton. Le monde entier retient la poignée de main historique échangée entre le premier ministre israélien Yitzhak Rabin et Yasser Arafat. Il est alors invité par le Parlement européen en décembre 1993 et il insiste sur le rôle que l'Union européenne doit jouer dans le processus de paix. Dans une lettre adressée à Yitzhak Rabin le 9 septembre 1993, Arafat déclare : l'OLP reconnaît le droit de l'État d'Israël à vivre en paix et dans la sécurité. Ainsi, l'OLP renonce à recourir au terrorisme et à tout autre acte de violence. En 1994, Yasser Arafat, Shimon Peres et Yitzhak Rabin reçoivent le prix Nobel de la paix pour leurs efforts en faveur de la paix dans cette région.
Arafat au pouvoir
Yasser Arafat prend ses quartiers à Gaza à partir de juillet 1994 et reçoit un accueil triomphal. L'accord dit Oslo II, conclu en septembre 1995, permet la tenue d'élections générales en janvier 1996. Arafat est élu sous le contrôle d'observateurs internationaux, avec 87,1 % des suffrages exprimés, président de la nouvelle Autorité palestinienne. Le 4 novembre 1995, Yitzhak Rabin est assassiné par un juif extrémiste lors d'une assemblée pour la paix à Tel Aviv. On conseille à Arafat de ne pas assister aux obsèques pour ne pas subir le même sort. Le 19 novembre, l'armée israélienne se retire de Jénine. Il s'agit du premier retrait israélien et l'autonomie est étendue. Après l'assassina de Yahia Ayache, l'artificier du Hamas, par le Shin Beth le Hamas répond par quatre attentats suicides faisant plus de 60 victimes israéliennes. Le 21 avril 1996, le 21e Conseil national palestinien modifie les articles de la charte nationale palestinienne refusant l'existence de l'État d'Israël. Dans les années qui suivent, l'économie palestinienne croît à un rythme de 9,28 % par an, selon un rapport du FMI, et les investissements de 150 %, ce qui en fait l'un des taux de développement les plus rapides au monde au cours de cette période, mais le processus de paix se bloque.
Relation avec le Hamas
Sur la scène palestinienne, Arafat entretient de mauvaises relations avec le Hamas dont il fait arrêtés de nombreux sympathisants. Depuis sa création en 1987, le Hamas rejette la coopération avec l'OLP et à plusieurs reprises, ses militants se heurtent, sur le terrain, à ceux de Yasser Arafat. Lorsqu'Arafat déclare la fin de la lutte armée contre Israël le 24 avril 1996, des voix s'élèvent contre sa décision et les relations avec le Hamas se dégradent encore. L'Autorité palestinienne arrête sept personnes qui devaient l'assassiner, et Arafat assigne à résidence Ahmed Yassine, le chef spirituel du Hamas. Toutefois, lors de son assassinat par Israël, le 22 mars 2004, Yasser Arafat dénoncera comme un crime barbare l'assassinat d'Ahmed Yassine et décrètera trois jours de deuil dans les territoires palestiniens.
Sommet de Camp David
En juillet 2000, le sommet de Camp David entre Yasser Arafat et Ehud Barak échoue. Aux États-Unis comme en Israël, l'échec est largement attribué à Yasser Arafat.
Seconde intifada, échec de Taba et élection d'Ariel Sharon
La seconde Intifada commence en septembre 2000, à la suite de l'échec des discussions israélo-palestiniennes et de la visite d'Ariel Sharon sur l'Esplanade des mosquées qui est vécue par les palestiniens comme une provocation. Arafat décide de se joindre à l'Intifada en diffusant un appel dans lequel il exhorte les Palestiniens à se soulever contre l'usurpateur israélien. Mais c'est Marouan Barghouti, qui dirige cette deuxième intifada. Dans un rapport établi à ce sujet, Human Rights Watch déclare ne pas avoir trouvé de preuves que Yasser Arafat ou l'Autorité palestinienne aient jamais participé à la mise en ouvre des attentas, mais souligne que cette dernière n'a pas fait suffisamment pour poursuivre les organisateurs et n'a pas pris de mesures préventives. Aussi Kenneth Roath, directeur exécutif de Human rights watch, déclare qu'Arafat et l'Autorité palestinienne portent un degré de responsabilité politique élevé dans les atrocités qui se sont produites. Selon les sources officielles israéliennes, 506 personnes auraient trouvé la mort dans les attentats-suicides entre 2000 et 2004 et elles accusent les dirigeants palestiniens de n'avoir rien fait pour arrêter les kamikazes voire de les avoir encouragés. Des négociations de paix sont engagées dans l'urgence en janvier 2001 au cours du Sommet de Taba en Egypte. Elles n'aboutissent pas, à la veille d'élections anticipées en Israël. D'après al-Jazeera, Arafat refuse également les propositions du Président américain Bill Clinton de renoncer au droit au retour des réfugiés palestiniens en échange du statut de Jérusalem comme capitale de la Palestine et d'Israël. Selon un de ses gardes de corps, Arafat aurait dit à Clinton que s'il acceptait cette offre, il serait tué des mains de son propre peuple. Des personnalités arabes, comme le président égyptien Moubarak pressent Arafat d'accepter cette offre mais celui-ci répond que cela est impossible. Les pourparlers de Taba sont interrompus le 27 janvier 2001, après six jours de négociations intenses. En février 2001, Ariel Sharon est élu Premier ministre tandis qu'aux États-Unis, George W. Bush est élu président.
L'enfermement à la Mouqata'a
Le 11 septembre 2001 c'est les attentats aux États-Unis. Au même moment, Yasser Arafat conclut une trêve avec le Hamas et le Jihad islamique palestinien. Considéré comme responsable du déclenchement de la seconde Intifada et des attentats-suicides par le gouvernement israélien, boycotté par le gouvernement américain, Yasser Arafat va passer les dernières années de sa vie enfermé dans la Mouqata'a, son QG de Ramallah, encerclée par les forces israéliennes. Interdit de voyage aussi bien en Palestine qu'à l'étranger, il va perdre toute prise sur les évènements, gardant toutefois le contrôle de l'Autorité palestinienne et de l'OLP. Pour les responsables israéliens et américains, le président de l'Autorité palestinienne n'est plus un interlocuteur valable. Bush décrit Sharon comme un homme de paix et diabolise Arafat, et invite les Palestiniens à élire de nouveaux dirigeants. Ariel Sharon lance une série de représailles à grande échelle avec l'accord de George W. Bush. L'Union européenne exige de Yasser Arafat une dénonciation catégorique et en langue arabe du terrorisme, ce qu'il fait le 16 décembre 2001. En vertu des réformes exigées par Israël et les États-Unis, Yasser Arafat doit se résigner, en février 2003, à nommer un premier ministre qui sera Mahmoud Abbas. Suite à un conflit de pouvoir avec Yasser Arafat autour de la question du contrôle des forces de sécurité, Mahmoud Abbas renonce à son poste le 7 septembre 2003. Ahmed Qoreï est alors nommé à sa place. C'est en 2003 également que des membres du gouvernement Sharon vont jusqu'à proposer publiquement d'éliminer Arafat. La très forte réaction de la communauté internationale force le gouvernement Sharon à se renoncer. Dans la foulée, Sharon confirme que, si Arafat quitte Ramallah et les territoires autonomes pour se rendre à l'étranger, il ne sera pas autorisé à revenir.
Arafat a du faire face à de nombreuses accusations de corruption et de violation des règles démocratiques et des chiffres circulent sur des sommes détournées vers un compte personnel cela sans la moindre preuve et alors qu'il a toujours vécu chichement. Mais c'est par la corruption qu'il muselle toute tentative d'opposition et consolide son leadership. Selon Amnesty International, les prisonniers politiques sont souvent torturés, avec son aval. Bassam Eid, journaliste palestinien et directeur de Palestinian Human Rights Monitor Group, confirme qu'il est à l'origine de chacun des actes de ses services de sécurité. Les critiques ne viennent pas seulement des opposants à un État palestinien. Ainsi, par exemple, le Centre palestinien pour les droits humains accuse l'Autorité palestinienne de procéder à des arrestations politiques de militants islamistes. Yasser Arafat est aussi accusé d'avoir détourné au profit de son organisation plusieurs centaines de millions de dollars qui étaient destinés au peuple palestinien, et un conflit d'intérêts financiers sur des sommes disparues a persisté entre sa femme résidant à Paris et à Gammarth en Tunisie, et l'OLP. La question est d'autant plus complexe qu'en l'absence d'État palestinien, les sommes destinées au peuple palestinien ne pouvaient être encaissées que sur les comptes de l'OLP qui est seul juge des dépenses. Arafat a été également accusé de financer le terrorisme palestinien et d'utiliser les aides internationales pour acheter des armes. De son côté, l'Union européenne a enquêté sur les allégations de détournement de ses aides par l'Autorité palestinienne. L'Anti-Fraud Office of the European Union a conclut qu'il n'existe aucune preuve que des aides aient été détournées pour financer des activités illégales. Mais elle ajoute que l'UE est convaincue que l'Autorité doit réformer ses institutions financières pour lutter contre la corruption et les détournements de fonds.
Je suis allé en France pour la première fois dans les années cinquante, alors que j'étais encore ingénieur. J'étais en vacances et j'ai visité Paris, la Côte d'Azur et Marseille. On dit que ce nom vient d'un mot arabe : Marsa Elia, qui veut dire le port d'Élie. Mais mon premier contact avec le monde politique en France a été avec le général de Gaulle, en 1969, par l'intermédiaire des chevaliers de Malte, répond-il à une question d'Amnon Kapeliouk. Yasser Arafat, qui a toujours professé une immense admiration pour le général, défait le col de sa chemise pour montrer une petite médaille qu'il porte toujours, accrochée à une chaîne en or, autour de son cou. C'est une petite croix de Lorraine dans un cercle. C'est de Gaulle qui me l'a envoyée à ma demande, accompagnée de l'appel du 18 juin, précise-t-il. Elle ne me quitte jamais, comme la médaille de Jérusalem. Par la suite, se souvient-t-il encore, j'ai rencontré François Mitterrand en Égypte. Cela s'est passé au journal Al Ahram. C'est le rédacteur en chef de ce quotidien, Mouhamad Hassanein Haïkal, qui avait organisé cette rencontre. C'était bien avant qu'il ne soit président, mais je l'ai revu souvent.
Quand on demande à Yasser Arafat quelle est la décision la plus importante qu'ilait jamais eue à prendre dans sa vie, la réponse vient sans la moindre hésitation:
Cela a été de signer, en 1993, la paix des braves avec mon partenaire, mon ami Yitzhak Rabin. C'était une décision importante non seulement pour le peuple israélien et le peuple palestinien, mais pour toute la région et pour le monde entier car c'est le seul moyen de mettre fin au conflit.
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